Immigration : au cœur d'une procédure d'expulsion

En 2019, les demandes d'asile ont augmenté de 7,3%. 132 614 dossiers ont été déposés, selon les chiffres de l'Intérieur. Les expulsions d'étrangers en situation irrégulière sont, elles, en hausse de 19%, avec 23 746 éloignements. Des expulsions souvent difficiles, coûteuses et délicates.

 Un passager algérien crie son désespoir. L'homme doit quitter la France, mais il s'y oppose fermement. Une scène qui symbolise la difficulté d'appliquer les éloignements forcés, qui n'ont jamais été aussi élevés depuis dix ans. Mais en réalité, moins de 20% des étrangers concernés sont renvoyés chez eux. Pourquoi un chiffre aussi bas ? Comment fonctionnent les reconduites à la frontière ? Ce matin-là, à l'aéroport de Paris-Charles-de-Gaulle, un Sud-Américain passe ses dernières heures en France.

Arrivé sans argent et sans billet retour, il doit quitter le territoire sur décision de justice. D'importants effectifs policiers sont mobilisés. Dans une salle d'embarquement, on trouve des Maliens, des Afghans ou encore des Tunisiens. Tous ont le choix : être escorté jusqu'à l'avion et voyager seul, ou, pour les 30% qui refusent, être escortés tout le voyage par deux fonctionnaires de la police aux frontières. Ce Sud-Américain de 29 ans n'est pas coopératif. Ses bras et jambes sont entravés. Lui et son escorte prennent place au dernier rang de l'avion. Un coussin orange a été installé sur l'écran vidéo devant lui pour éviter qu'il ne se blesse.

L'accord du pays d'origine est nécessaire à l'expulsion

Cette politique d'éloignement forcé coûte 13 794 € en moyenne, par personne renvoyée chez elle. En 2018, la France a dépensé 468 millions d'euros pour 33 960 éloignements forcés. Ces chiffres sont ceux du député Jean-Noël Barrot, auteur d'un rapport parlementaire sur le sujet. Après avoir visité plusieurs centres de rétention administrative, il a listé les obstacles au quotidien liés aux éloignements forcés. Il souligne aussi les failles diplomatiques qui rendent souvent impossibles ces éloignements. Pour les renvoyer, il faut obtenir un laissez-passer consulaire, délivré par leur pays d'origine. Chaque mois, à la demande des préfectures, l'ambassade d'Albanie signe une centaine de ces formulaires. Mais d'autres pays traînent les pieds, comme le Maroc, l'Algérie, la Tunisie, le Mali, le Sénégal, la Côte d'Ivoire, la Guinée. Preuve de son embarras, le ministère des Affaires étrangères a refusé de répondre aux questions de France 2, invoquant un dossier "trop sensible". Le président de la République en a pourtant fait un combat diplomatique, avec des mesures de rétorsion. En deux ans, le taux de délivrance des laissez-passer consulaires est ainsi passé de 36% à 58%. 

2- Augmentation du nombre de migrants expulsés vers le Niger

Alors que la question migratoire a été peu abordée dimanche (19 janvier) lors de la conférence de Berlin sur la Libye, l'OIM constate une augmentation des personnes expulsées de l'Algérie et de la Libye vers le Niger.

 Le nombre de migrants expulsés de la Libye et l’Algérie vers le Niger a doublé l’an dernier. Selon l'Organisation internationale pour les migrations (OIM), entre janvier et octobre dernier, 540 000 migrants ont été expulsés. En 2018, 267 000 personnes ont été refoulées dans les mêmes conditions.

 Conditions pénibles

Les personnes qui sont expulsées sont des Subsahariens mais aussi des Syriens, des Bangladeshis et des Yéménites. Leur rêve de rejoindre l’Europe se transforme en un véritable cauchemar en chemin. Les conditions dans lesquelles les migrants sont expulsés restent très pénibles, pour eux qui espéraient une vie meilleure en Europe. Bloquée en Libye, Mary, une Nigériane qui voulait être coiffeuse en Italie a été contrainte de se prostituer :

"Ton patron te dit, je veux que tu couches avec cet homme. Je veux que tu prennes beaucoup d’argent chez lui. Je te tue à ton retour demain si le client estime que tu n’as bien travaillé."

Sandrine a confié à Médecins sans frontières avoir passé 5 jours en prison, en Algérie. Quand elle a été refoulée en juillet 2019 par les forces de l’ordre algériennes, elle n’avait plus d’autres habits que ceux qu’elle portait le jour de son expulsion. "Ils vous jettent dans le désert, vous marchez plus de 20 kilomètres. Ce n’est vraiment pas facile. Avec une grossesse de 7 mois, vraiment j’ai vécu l’enfer. Ce pays vraiment, ce n’est pas un pays parce qu’ils n’aiment pas voir des Noirs", raconte cette Camerounaise de 32 ans.    

Selon le Conseil européen sur les réfugiés et les exilés (ECRE), environ 500 migrants ont été expulsés chaque semaine de l’Algérie vers le Niger. MSF évalue à près de 24 000 ceux qui ont été expulsés, certains de force, vers le Niger, rien qu'entre janvier et octobre 2019. "Sans portable, sans argent, comment allons-nous faire pour contacter les gens ?", interroge Boukari, un Béninois de 28 ans. Il ajoute que "c’est le désert, on ne connaît même pas les limites. On vient, on nous met dans le désert, on dit débrouillez-vous, on prend les portables, on prend tout l’argent, on arrache tout".

 

Les ONGs à la rescousse

Renvoyés sans aucun moyen, les migrants ont du mal à continuer leur voyage, et même survivre est difficile. "Nous nous occupons aussi d’essayer de faire la recherche des personnes qui sont perdues ou abandonnées dans le désert avec des équipes quand nous avons l’information", informe  Francisco Otero y Villar, chef de mission de MSF au Niger. Sans le soutien des ONGs sur le terrain, beaucoup de migrants meurent dans les dunes de sable du désert du Ténéré.

Lois migratoires inefficaces

Ceux qui restent en vie reçoivent, avec de la chance, de l’aide sanitaire, psychologique et humanitaire d'ONG comme MSF sur le terrain. Francisco Otero y Villar dénonce le fait que les lois prises ces dernières années n'ont fait que renforcer la vulnérabilité des personnes contraintes de migrer :  

"La problématique migratoire n’est toujours pas résolue. Malgré les lois qui ont été implémentées ces dernières années, elles n’ont pas un impact pour arrêter la migration. Ce qu’on voit, c’est vulnérabiliser davantage cette population migratoire."

MSF indique que son aide aux naufragés est une réponse à la criminalisation des mouvements de migrants à travers les pays africains et européens. Beaucoup de ceux qui cherchent une quelconque protection prennent, du coup, par des voies dangereuses ou sont exposés à la violence et à des abus.

 

 

 

 

 

 

 

 

NOUS ACCUSONS LES GOUVERNEMENTS DU MAGHREB ET L'UE, 

DE VIOLER LA DIGNITÉ ET LES DROITS DES MIGRANTS-ES  


TPP - Tunis 

 

Appel à mobilisation aux associations et organismes concernées par le droit des migrants

Une session du Tribunal Permanent des Peuples (TPP)

Sur les questions migratoires au Maghreb aura lieu les 28, 29 et 30 mars 2020 à Tunis

A l’invitation de plus de 100 associations, réseaux et syndicats, siégeant dans les pays du Maghreb et en Europe, le Tribunal Permanent des Peuples  était  saisie pour l’organisation d’une session du Tribunal Permanent des Peuples (TPP) sur les questions migratoires dans la région du Maghreb.

Le TPP est un tribunal d’opinion, crée en 1979, qui agit de manière indépendante des États et répond aux demandes des communautés et des peuples dont les droits ont été violés.

Le Tribunal Permanent des Peuples(TPP) a notamment consacré un cycle de sessions sur le non-respect et les violations des droits des migrants. Les sessions de Barcelone en juillet 2017, de Palerme de décembre 2017 et de Paris des 4 et 5 janvier 2018 ont mis en exergue les responsabilités des Etats, en particulier européens, sur les conséquences des politiques d'externalisation et leurs impacts sur la vie des migrants et de leurs familles dans le bassin méditerranéen. Elles ont permis aussi de donner la parole aux victimes, aux associations de solidarité, aux élus et aux chercheurs pour cerner l'ampleur des violations et les mécanismes mis en place par ces Etats.

 L’objectif du TPP est de faire avancer le droit international sur la question des migrations et de donner une importance aux mouvements de lutte pour les aider à avancer dans leurs combats.

 La prochaine session TPP aura lieu à Tunis les 28, 29 et 30 mars 2020 et se focalisera sur la région maghrébine avec ses prolongements africains et européens. Elle traitera notamment de :

  • De la responsabilité des gouvernements et des Etats maghrébins en matière des politiques migratoires ;
  • Des violations des droits des migrants dans l'espace maghrébin ;
  • Des conséquences des politiques migratoires de l’Union Européenne et des instances internationales;
  • Des limites du droit international en matière des migrations ;

L’objectif de cet appel est d’élargir la mobilisation, afin d’avancer ensemble sur les préparatifs de la session du Tribunal Permanent des Peuples prévue les 27, 28 et 29 mars prochain en Tunisie.

Cette session du TPP sur les migrations au Maghreb s’inscrit dans un processus engagé par le FS Magh depuis sa création. Celui-ci a toujours mis la question migratoire au centre de ses préoccupations. En effet le FS Magh avait organisé 4 éditions FS Magh Migration en Europe et dans le Maghreb. Il a également créé un Observatoire Magrébin des Migrations. 

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