L'accord de cotonou
Chapitre 1 L’accord de Cotonou a-t-il tenu ses promesses ? Par : Cécile Barbière | EURACTIV.fr 27 août 2018
L’accord de Cotonou régit la coopération entre l’Union européenne et les pays de l’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique depuis 2000. Alors que sa révision doit commencer, son bilan apparaît mitigé.
L’accord de Cotonou, signé entre les pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique et l’Union européenne en 2000 arrive à échéance en 2020. Il régit les relations politiques, commerciales et de coopération au développement entre les deux blocs, dont la relation a débuté en 1975 avec les accords de Lomé.
Les 79 pays partenaires ont dressé le bilan de leurs échanges, avant d’entamer les négociations pour dessiner le cadre d’un futur accord.
« Les acquis de l’accord de Cotonou sont nombreux. Tout est présent dans cet accord, même si tout n’a pas été appliqué avec le même succès », explique un diplomate français.
Coopération sur les droits de l’homme
Un des pivots de la coopération politique entre les deux blocs repose sur les droits de l’homme, les principes démocratiques et l’État de droit, que les deux parties s’engagent à respecter. Cette coopération est régie par l’article 96 de l’accord qui permet la suspension de l’aide en cas de violation répétée des droits de l’homme,
Dans la pratique, le dialogue politique prévu par Cotonou a été utilisé à de nombreuses reprises depuis l’entrée en vigueur de l’accord. L’article 96, qui permet des sanctions en cas d’échec du dialogue politique, a été utilisé assez régulièrement par l’UE en réponse à des coups d’État ou des violations des droits de l’homme, aux îles Fidji (2000 et 2007), au Zimbabwe (2002), en République centrafricaine (2003), en Guinée-Bissau (2004 et 2011), au Togo (2004) et à Madagascar (2010) et au Burundi (2015).
Chapitre 2 L'aide européenne veut renforcer son influence sur les droits de l’homme
L’UE se sert depuis plus de 20 ans de l’aide au développement comme levier d’action en faveur des droits de l’homme dans les pays du Sud. Une stratégie parfois mal perçue par les pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique.
Mais certaines dispositions de l’accord de Cotonou sur la coopération politique n’ont jamais été appliquées, comme l’article 97 qui prévoit un dialogue et des sanctions contre les régimes corrompus. « C’est une des faiblesses de l’accord », reconnait un diplomate français.
Enfin, si le respect des droits sexuels et reproductifs est mentionné, la question des droits de personnes LGBT constitue une faiblesse réelle de l’accord de partenariat. Au cours des dernières années, les lois discriminantes à l’égard des personnes LGBT se sont multipliées en Afrique notamment.
Bilan économique
La partie commerciale présente également certaines faiblesses. « La part des importations et des exportations entre l’Afrique et l’UE ne cesse de décroître. Entre 2012 et 2016, les importations ont chuté de 11,1% et les exportations de 1% » a souligné l’Union africaine dans une position commune qualifiant le bilan de la coopération avec l’UE de mitigée.
« De fait, le bilan des accords de partenariat économique est assez modeste » reconnait un diplomate français. Signés entre l’UE et différents blocs régionaux des pays ACP, ces accords sont très critiqués par les pays africains, qui leur reprochent d’entraver l’intégration du continent en fragmentant les marchés régionaux. Certains pays tels que le Nigéria refusent toujours de signer les APE, estimant que ces accords se font à leur détriment en ouvrant les marchés nationaux à la concurrence européenne.
Négociations à venir
Les acquis de l’accord de Cotonou doivent être rediscutés à partir du 1er septembre. Problème, rien n’est prévu en cas de non-respect de ce délai.
L’Union européenne a adopté son mandat fin juin, et le groupe ACP un peu plus tôt au mois de mai. Mais début juillet, la commission de l’Union africaine a réclamé un délai pour adopter une position commune, ce qui pourrait repousser le début officiel des négociations.
Et les incertitudes quant à la pertinence réelle du cadre de Cotonou dans l’avenir des relations entre l’UE et les pays ACP est de plus en plus sujet à questions. « Lorsque ce cadre a été défini, l’UE comptait 9 pays. Aujourd’hui ils sont 28 et les pays d’Europe de l’Est n’ont rien à voir avec cette construction » explique Jean Bossuyt, spécialiste des relations ACP-EU à l’ECDPM.
Autre problématique, l’adéquation du cadre avec les défis actuels, tels que la mobilisation des ressources domestiques, la lutte contre le réchauffement climatique ou la gestion des flux migratoires.
« Le principal problème de Cotonou c’est qu’il est articulé comme un cadre classique de développement, c’est un instrument d’aide. Mais il ne permet plus de répondre aux grands enjeux comme les échanges commerciaux, les migrations, le climat, etc. Cotonou ne peut pas s’attaquer aux défis de l’agenda 2030 et aux objectifs de développement durable » , estime Jean Bossuyt.
Chapitre 3 Accord de Cotonou: nouveau départ ou marche arrière?
Alors que le premier accord de Cotonou était largement perçu comme un instrument commercial et de développement, les priorités de Cotonou 2 pour les deux parties ont évolué. Les pays européens voient de plus en plus leurs relations avec l’Afrique à travers le prisme du contrôle de l’immigration.
Quant aux pays africains, ils sont en train de mettre en place leur propre zone de libre-échange au niveau du continent et parleront d’une seule et même voix lors de ces négociations. Les pays des Caraïbes et du Pacifique réclament quant à eux plus d’investissement et de commerce avec l’Europe.
Toutes ces requêtes sont-elles compatibles ?
Par ailleurs,
L’Union africaine veut dialoguer de continent à continent avec l’Europe. Un changement qui risque de faire imploser le cadre de l’accord de Cotonou.
Le contrôle des migrations en provenance d’Afrique obsède les dirigeants européens. Le sujet pourrait aussi faire dérailler le principal accord politique de l’UE avec le continent africain.
Le volontarisme de l’UE en matière d’investissements dans les pays ACP est confronté à la concurrence féroce de la Chine, moins préoccupée par la démocratie et l’État de droit.
Chapitre 4 Juncker veut conclure un accord UE-Afrique entre partenaires égaux
Le président de la Commission s’est engagé à conclure un accord d’égal à égal entre l’UE et l’Afrique. Il souhaite une implication plus forte de l’Europe sur le continent, où l’influence de la Chine se répand à grande vitesse.
Dans son discours sur l’état de l’Union devant le Parlement à Strasbourg, Jean-Claude Juncker a décrit l’Afrique comme le « continent cousin » de l’Europe.
Nous devons investir davantage dans nos relations avec ce grand et noble continent. Nous devons arrêter d’envisager cette relation entre l’Afrique et l’Europe comme si nous n’étions qu’un donneur d’aide au développement. Une telle approche serait insuffisante. En fait, humiliante », a-t-il déclaré.
«L’Afrique n’a pas besoin de charité, elle a besoin de partenariat équilibré, d’un vrai partenariat. Et nous, Européens, avons besoin au même titre de ce partenariat », a-t-il insisté.
Jean-Claude Juncker a déclaré aux eurodéputés que lui et Paul Kagame, le président du Rwanda et président de l’Union africaine, s’étaient accordés à mettre fin à la relation de donateur-bénéficiaire des deux continents. « Nous sommes tombés d’accord pour qu’à l’avenir nos engagements respectifs soient réciproques. Nous voulons construire un nouveau partenariat avec l’Afrique », a ajouté le Luxembourgeois.
Si ses commentaires sont traduits en actions concrètes, ils auront des conséquences sur le nouvel accord de Cotonou, un accord commercial et de développement couvrant 78 pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, et qui expire en 2020. Les négociations sur le nouvel accord devaient commencer à l’automne mais sont compliquées par les divergences entre États membres sur la manière de gérer la migration dans l’accord ainsi que par la volonté de l’Union africaine de voir le continent signer un accord autonome avec l’UE.
« Les Caraïbes et le Pacifique risquent d’être laissés de côté », craint un responsable de l’UE.
Mais d’autres sont favorables à l’idée de l’Union africaine. « L’Union africaine voudrait évidemment voir plus de reconnaissance du partenariat UE-Afrique et je pense que c’est une demande tout à fait légitime », estime un responsable de la Commission.
Le président de la Commission a déclaré devant le Parlement que « nous devrions faire évoluer les nombreux accords commerciaux entre l’Afrique et l’Union européenne vers un accord de libre-échange de continent à continent, un partenariat économique entre partenaires égaux.»
Un document de l’exécutif européen accompagnant le discours indiquait que « l’objectif à long terme est de créer un accord commercial global de continent à continent entre l’UE et l’Afrique ».
L’UE versera 50 millions d’euros pour financer le travail technique et les négociations de l’Union africaine sur l’accord de libre-échange.
Toutefois, le document de la Commission laisse entendre que les accords de partenariat économique (APE) et les accords commerciaux avec les pays d’Afrique du Nord doivent être les piliers de la coopération.
Seul un APE – avec la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) – a été mis en œuvre, de nombreux blocs régionaux africains se plaignant des conditions offertes par l’UE.
Les propos de Jean-Claude Juncker devraient donc plaire aux dirigeants africains, qui sont désireux de négocier de meilleures conditions commerciales avec l’UE, et de voir leur accord de libre-échange continental africain (ACFTA) – qui a été signé par 49 pays et lancé en mars – servir de base à un accord de continent à continent.
« L’ACFTA devrait être le principal instrument d’un accord de libre-échange avec l’UE », a déclaré Carlos Lopes, négociateur en chef de l’Union africaine pour les négociations post-Cotonou, à Euractiv, ajoutant que ce serait « dans l’intérêt de l’UE ».
Au total, 49 des 54 pays africains ont signé la zone de libre-échange et Carlos Lopes est confiant dans le fait que tous les pays, sauf l’Érythrée, qui poursuit une politique isolationniste, l’auront signé avant janvier 2019, date du prochain sommet de l’Union africaine.
Chapitre 5 L’Afrique prête à négocier pied à pied avec l’UE
La renégociation des accords de Cotonou s’annonce ardue. Les pays africains ont en effet une série d’attentes qu’ils ne sont pas prêts à renier, notamment sur le volet commercial.
La Commission a intensifié ses programmes visant à accroître les investissements privés en Afrique. Au cœur de cette stratégie se trouve son plan d’investissement extérieur, lancé il y a deux ans, qui promet d’attirer plus de 44 milliards d’euros d’investissements publics et privés.
L’exécutif européen affirme que d’ici 2020, l’UE aura soutenu 35 000 étudiants et chercheurs africains par le biais de son programme Erasmus, un chiffre qui devrait atteindre 105 000 d’ici 2027. Jean-Claude Juncker a souligné que 36 % des échanges commerciaux de l’Afrique se faisaient avec l’Union européenne, contre 16 % pour la Chine et 6 % pour les États-Unis.
Pourtant, l’influence de la Chine est en train de rapidement ronger l’influence économique et politique de l’UE sur le continent. Le président Xi Jinping a annoncé un investissement supplémentaire de 60 milliards de dollars en Afrique dans les années à venir lors du Forum pour la coopération Chine/Afrique au début du mois.
L’investissement chinois éclipse l’UE en Afrique
Le volontarisme de l’UE en matière d’investissements dans les pays ACP est confronté à la concurrence féroce de la Chine, moins préoccupée par la démocratie et l’État de droit.
Le Fonds fiduciaire pour l’Afrique, récemment créé, et le Plan européen d’investissement extérieur (PIE), qui sera bientôt élargi, sont les derniers instruments d’investissement de l’UE centrés sur l’Afrique. Le PIE a été lancé à l’automne 2016 et la Commission affirme qu’il générera plus de 44 milliards d’euros d’investissements d’ici à 2020.
La Banque européenne d’investissement est appelée à jouer un rôle majeur dans la coordination des investissements de l’UE dans les pays ACP (Afrique, Caraïbes et Pacifique). L’investissement de la BEI dans des projets en Afrique de l’Est en 2017 s’est élevé à 400 millions d’euros. C’était une bonne année, estime Catherine Collin, cheffe du bureau de la banque pour la région.
« Le mandat de Cotonou met l’accent sur le développement du secteur privé. Pour avoir de la croissance, il faut un port qui fonctionne, il faut de l’énergie, il est donc normal que nous nous concentrions encore sur ces projets d’infrastructure traditionnels », explique Catherine Collin à Euractiv.
« D’autre part, nous avons reçu un mandat et les instruments pour développer le secteur privé… et dans cette région, il y a du potentiel », souligne-t-elle.
La portée de ce mandat est suffisamment large pour inclure l’accès aux prêts en monnaie locale pour les petites entreprises ; les fonds de capital-investissement régionaux – y compris les investissements dans la microfinance et les entreprises locales de taille moyenne ; et les capitaux bancaires subordonnés aux banques de la région.
Environ la moitié des prêts facilités par la BEI en Afrique soutiennent chaque année l’investissement du secteur privé par les petites et moyennes entreprises.
Objectifs politiques
Les différents véhicules d’investissement de l’UE s’accompagnent tous d’objectifs politiques. Le PIE et le Fonds fiduciaire sont axés sur le contrôle de la migration à long terme.
L’augmentation de la capacité énergétique et l’industrialisation de l’agriculture sont d’autres objectifs clés pour l’UE. Ces derniers perdureront dans le nouvel accord de Cotonou et, le cas échéant, seront élargis.
Le mandat de négociation de la Commission européenne pour les pourparlers post-Cotonou vise à augmenter les niveaux de conditionnalité et de sanctions pour les gouvernements dont le bilan en matière de droits de l’Homme est médiocre. Cela signifierait qu’aucun fonds ne serait alloué aux États qui violent les droits de l’Homme, et que le remboursement des fonds serait exigé si une violation grave des droits de l’Homme est constatée.
La Chine n’a, pour sa part, ni les contraintes de trésorerie de l’UE, ni ses priorités politiques, et le montant des investissements chinois sur le continent africain ont largement éclipsé ceux de l’Europe. Au début d’un sommet Chine-Afrique de deux jours, lundi 3 septembre, le Président Xi Jinping a promis 60 milliards de dollars (51,6 milliards d’euros) de nouveaux financements pour le développement. Le sommet s’est concentré sur l’initiative Belt and Road, un grand projet chinois qui s’étend sur le continent africain. La Chine investit peut-être généreusement, et sans contrepartie idéologique, mais ses projets sont souvent assortis de conditions, le plus souvent sous la forme de prêts de banques chinoises. La Chine fait déjà l’objet de critiques croissantes en raison de son approche, qui stipule un endettement important. Des pays comme la Zambie et le Congo-Brazzaville se sont lourdement endettés par rapport au PIB, en grande partie parce qu’ils ont entrepris de grands projets d’infrastructure financés par la Chine.
Le fait que l’argent de la Chine ne soit pas assorti de conditions politiques, contrairement à l’argent de l’UE, du FMI, de la Banque mondiale et d’autres institutions de financement du développement, ainsi que l’importance des sommes en jeu, rendent toutefois les investissements chinois plus attrayants pour les gouvernements africains.
Contre-attaque
Soucieux de ne pas être laissés pour compte, mais sans les ressources nécessaires pour rivaliser avec la générosité chinoise, plusieurs pays de l’UE ont lancé leurs propres initiatives.
En présentant son « Plan Marshall pour l’Afrique » lors du G20 de l’année dernière, le gouvernement allemand a appelé les pays européens à accroître les investissements publics et privés sur le continent.
« Nous ne pouvons pas laisser l’Afrique aux Chinois, aux Russes et aux Turcs », a déclaré Gerd Müller, ministre du Développement, soulignant que seulement un millier d’entreprises allemandes font actuellement des affaires en Afrique.
Le Royaume-Uni intensifie également son investissement, quadruplant les fonds de son organe d’investissement en Afrique et en Asie, la Commonwealth Development Corporation (CDC), passant ainsi de 1,5 milliard de livres sterling (1,7 milliard d’euros) à 6 milliards de livres sterling (7 milliards d’euros), avec pour mandat de se concentrer sur les climats d’investissement les plus pauvres et les plus risqués. Le CDC est en train de s’installer à Nairobi, ce qui en fait le dernier né du réseau des institutions européennes et internationales de financement du développement dans la capitale kenyane.
Toutefois, nombreux sont les Africains qui ont l’impression d’avoir déjà entendu cette histoire. Mais si l’Europe n’est pas en mesure de tenir ses promesses avec de l’argent comptant, ses dirigeants ne devraient pas être surpris si les dirigeants africains continuent de se tourner vers la Chine.
Mamadou DIOUF- Mignane
Dakar Sénégal
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