L’Assemblée « reconnaît » le droit à l’eau potable comme un droit fondamental et nomme Carman Lapointe du Canada Secrétaire générale adjointe au contrôle interne

Après avoir nommé le Bélarus au Conseil d’administration du Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE)*, l’Assemblée a procédé à une autre nomination; celle de Mme Carman Lapointe-Young du Canada, au poste de Secrétaire générale adjointe aux services de contrôle interne** qui succède à Mme Inga-Britt Ahlenius de la Suède.  

Tout en saluant la nomination de Mme Lapointe-Young, le représentant de Cuba et celui de l’Égypte, qui intervenait au nom du Groupe des États d’Afrique, ont regretté que le principe de répartition géographique équitable n’ait pas été respecté, puisque la titulaire précédente était également originaire du Groupe des pays d’Europe occidentale et autres pays.

Le représentant égyptien a nié à tout État ou groupe d’États un monopole sur les postes de haut rang, avant de dénoncer une sous-représentation constante des pays africains parmi le personnel des Nations Unies.

Pour revenir à la résolution sur le droit fondamental à l’eau, « pétrole du siècle de la soif que sera le XXIe  siècle » selon les mots du représentant du Yémen, les explications de vote ont opposé les tenants de l’inexistence de ce droit à ceux qui le voient reconnu dans les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme dont le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.  Les premiers ont regretté que l’on n’ait pas attendu, avant de se prononcer sur une telle résolution, les travaux de l’experte indépendante du Conseil des droits de l’homme –Processus de Genève-.

Le Conseil a en effet demandé à l’experte indépendante de se pencher sur les problèmes liés à la réalisation du droit à l’accès à l’eau et à l’assainissement et à leurs incidences sur la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD).

Outre la question de l’existence ou non de ce droit, de nombreux pays ont dénoncé l’absence, dans la résolution, d’une référence à la responsabilité première des États en matière d’accès à l’eau et à l’assainissement.  Les délégations se sont fixé deux autres rendez-vous; ceux du Sommet de septembre sur les OMD et du Forum mondial sur l’eau, prévu en mars 2012 à Marseille.

La prochaine réunion de l'Assemblée générale sera annoncée dans le Journal des Nations Unies.

ADOPTION DE TEXTE

L’Assemblée a adopté par 122 voix pour et 41 absentions un projet de résolution, présenté par la Bolivie, sur le droit fondamental à l’eau et à l’assainissement (A/64/L.63/Rev.1) dans lequel elledéclare que le droit à une eau potable salubre et propre est un droit fondamental, essentiel au plein exercice du droit à la vie et de tous les droits de l’homme.  Elle demande aux États et aux organisations internationales de fournir des ressources financières, de renforcer les capacités et de procéder à des transferts de technologies, en particulier en faveur des pays en développement.

 

L’Assemblée salue la décision du Conseil des droits de l’homme de demander à l’experte indépendante chargée d’examiner la question des obligations en rapport avec les droits de l’homme qui concernent l’accès à l’eau potable et à l’assainissement de lui présenter un rapport annuel.  Elle encourage celle-ci à énoncer dans son prochain rapport les principaux problèmes et leurs incidences sur la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD).

 

En présentant le projet de résolution, le représentant de la Bolivie a rappelé que le manque d’accès à l’eau et à l’assainissement cause la mort de 3 millions de personnes par an et d’un enfant toutes les trois secondes.  Il a relevé que 1,5 millions d’enfants mourraient chaque année de diarrhée, entre autres, et qu’un tiers de ces morts pourraient être évitées grâce à la mise en place de services adéquats d’assainissement.  Il a insisté sur le fait qu’une personne sur huit n’avait pas accès à l’eau potable et que la diarrhée était la deuxième cause de mortalité chez les enfants de moins de 5 ans.

Explications de vote

Le représentant de l’Allemagne a rappelé que son pays était un des principaux promoteurs de l’accès à l’eau et à l’assainissement.  L’article 11 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC) met l’accent, a-t-il souligné, sur les droits à une vie salubre.  Regrettant que le texte n’ait pas pu être adopté par consensus, il a estimé que cette résolution complétait le processus de Genève en cours.  Il a conclu en avouant qu’il aurait voulu un message plus clair sur la responsabilité première des États en la matière.

Le représentant de l’Espagne a regretté qu’aucune des recommandations de l’Union européenne n’ait été prise en compte dans la résolution.  Il a néanmoins salué l’amendement qui remplace le terme « reconnaît » par « déclare » au premier paragraphe du dispositif.  Il a, à son tour, insisté sur la responsabilité première des États en matière de droits de l’homme en général et d’accès à l’eau potable, en particulier.

 

La représentante de la Hongrie a salué l’importance du processus lancé à Genève et des travaux de l’experte indépendante de l’ONU.  Elle a également regretté que ce texte n’ait pu être adopté par consensus, entraînant des divisions parmi les États Membres alors que « nous sommes tous conscients de l’importance de cette question ».

Le représentant des États-Unis a regretté un amendement de dernière minute, estimant que le texte décrit l’accès à l’eau et à l’assainissement d’une façon différente du droit international.  La formulation du texte n’est pas précise, a-t-il insisté, en dénonçant le manque de transparence qui a entouré les négociations.  C’est la raison pour laquelle, les États-Unis s’abstiennent.

La représentante du Brésil a salué l’importance des travaux de l’experte indépendante du Conseil des droits de l’homme et rappelé que ce dernier était l’enceinte appropriée pour discuter de cette question. Le représentant de la Turquie a dit s’être abstenu en raison des contradictions entre le texte et la position du Conseil des droits de l’homme. Le représentant de l’Argentine a tenu à souligner que l’accès à l’eau et à l’assainissement était une question de souveraineté nationale. Le représentant de la Norvège a rappelé que le PIDESC stipule que l’accès à l’eau et à l’assainissement était un droit de l’homme fondamental.

 

Le représentant du Guatemala a dit avoir appuyé le texte malgré son opposition à certaines questions ponctuelles.  Il a insisté sur le fait que l’accès à l’eau contribuait à la préservation de l’environnement, à la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le développement et à l’amélioration de la qualité de vie des générations présentes et futures.  Il a estimé que ce texte n’entraîne aucun droit nouveau, au niveau international ou interétatique. 

 

Le représentant de l’Égypte a dit avoir appuyé le texte qui, pour lui non plus, n’entraîne aucun nouveau droit.  Il a estimé que la mise en œuvre du droit fondamental à l’eau et à l’assainissement est une obligation de tous les États.  Il faut se concentrer sur les perspectives nationales et locales, a-t-il insisté. 

La représentante de la Nouvelle-Zélande a expliqué son vote d’abstention par le fait que sa délégation n’avait pas eu le temps d’examiner les incidences du texte.  Elle a souhaité que l’on s’appuie davantage sur les travaux de l’experte indépendante du Conseil des droits de l’homme. 

Le représentant du Chili a rappelé que l’objectif du texte était d’appuyer la réalisation des OMD et qu’il ne devait pas préjuger de la façon dont les États décident d’aborder cette question au niveau national.

Le représentant de l’Australie a argué que l’accès à l’eau et à l’assainissement était lié à un éventail de droits civils.  Rappelant que plus de la moitié des habitants de la région Asie-Pacifique n’avaient pas accès à l’eau et à l’assainissement, il a néanmoins émis des réserves quant à la tentative de proclamer un nouveau droit, sans consensus préalable.  L’Australie, a-t-il conclu, aurait préféré attendre les résultats du travail de l’experte indépendante du Conseil des droits de l’homme, avant de négocier ce texte.

 

La représentante du Costa Rica a dit que son pays avait appuyé ce texte malgré quelques réserves.  Elle a, elle aussi, souhaité que l’on s’appuie davantage sur les travaux de l’experte indépendante du Conseil des droits de l’homme.  Elle a en effet regretté que ce texte ne s’intéresse pas aux travaux visant à déterminer la portée du droit à l’accès à l’eau au niveau international.

Le représentant du Botswana a déploré qu’une résolution aussi vitale n’ait pu être adoptée par consensus.  Il a jugé qu’il aurait été préférable d’attendre le terme du processus de Genève.  C’est la raison pour laquelle mon pays s’est abstenu, a-t-il confié.

La représentante du Royaume-Uni a expliqué que son pays s’est abstenu pour des questions de fonds et de procédure.  Nous n’avons pas une base suffisante en matière de droit international pour reconnaître le droit à l’accès à l’eau comme un droit fondamental, a-t-elle dit.  Elle s’est dite déçue que ce texte préjuge des travaux du Conseil des droits de l’homme.  Elle s’est néanmoins déclarée très inquiète de voir que, selon les indications, l’OMD relatif à l’accès à l’assainissement ne pourra être réalisé avant 2049.

Le représentant de la Colombie a regretté que des suggestions émises lors du processus de négociations ne se retrouvent pas dans le texte bien qu’elles n’aient fait l’objet d’aucune opposition.  Il a estimé que le droit à l’accès à l’eau et à l’assainissement devait être interprété par chaque État conformément aux textes qu’il a ratifiés et à sa jurisprudence.      

 

Le représentant de la France a, à son tour, regretté qu’une telle résolution n’ait pu être adoptée par consensus.  Il s’est réjoui, néanmoins, de la reconnaissance de ce droit.  Il a appelé la communauté internationale à joindre ses efforts pour les prochaines échéances des OMD, dont le sommet de septembre et le Forum mondial sur l’eau qui se tiendra à Marseille en mars 2012.

Son homologue du Japon a également déploré que ce texte ait fait l’objet d’un vote.  Notant que le Conseil des droits de l’homme examine cette question depuis 2006, il a déploré l’absence d’un débat approfondi qui explique aujourd’hui l’abstention de son pays.  Le Japon, a-t-il assuré, poursuivra les discussions à New York et à Genève et appuie les activités de l’experte indépendante.

Le représentant de la Fédération de Russie, qui a voté pour la résolution, a estimé que le document évoque des problèmes importants compte tenu du rendez-vous de septembre sur les OMD.  Il a attiré l’attention sur l’élaboration insuffisante du concept de ce droit et a invité les États Membres à poursuivre les discussions au Conseil des droits de l’homme.

Le représentant du Pérou a dit avoir voté pour la résolution, sachant que la garantie de l’application de ce droit est soumise à une ordonnance territoriale et au vote d’un budget.

La représentante de Singapour a estimé que plusieurs questions doivent encore être analysées sur ce droit, notamment par le processus de Genève.  Elle s’est déclarée prête à contribuer d’une façon constructive au débat.

 

Le représentant de la Belgique a regretté le processus par lequel la résolution a été adoptée.  Il a appuyé le travail de l’experte indépendante et a exprimé ses réserves sur le deuxième paragraphe du dispositif.  La réalisation de ce droit est la responsabilité première des États, a-t-il conclu.

Le représentant du Pakistan a aussi estimé qu’il incombe aux États de garantir l’accès à une eau potable et à l’assainissement.  Il a attiré l’attention sur les « limites pratiques » de la mise en œuvre d’une telle résolution.

Le représentant des Pays-Bas, qui s’est abstenu, a expliqué que son pays reconnaissait qu’il s’agissait là d’un droit fondamental, qui s’inscrit dans le contexte des efforts de développement.  Cependant, cette résolution n’insiste pas assez sur la responsabilité des États envers leurs citoyens.  Ces derniers doivent pouvoir demander des comptes à leur gouvernement et exiger des mécanismes d’indemnisation. 

Le représentant a, à son tour, voulu que le rapport de l’experte indépendante soit examiné par le Sommet sur les OMD, en regrettant dans la résolution « des éléments de politisation ».

La représentante du Mexique a dit avoir voté en faveur de la résolution car l’accès à l’eau potable et à l’assainissement constitue un thème prioritaire.  Elle a cité l’article 25 de la Déclaration universelle des droits de l’homme et des articles du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels pour illustrer sa déclaration.  Les normes nationales doivent inclure ce droit, a-t-elle souligné, avant d’exhorter à poursuivre les débats sur cette question au niveau du Conseil des droits de l’homme, « enceinte idoine ».

 

Le représentant de l’Éthiopie, qui s’est abstenu, a rappelé qu’il a demandé qu’un paragraphe puisé dans la Déclaration de Rio sur le droit souverain des États à leurs ressources soit insérer dans le texte de la résolution.  Il a également mis l’accent sur la responsabilité qu’ont les États de garantir que les activités menées dans leur pays n’endommagent pas les ressources naturelles ou celles d’autres pays.  Il aurait fallu introduire un autre paragraphe soulignant le droit souverain des États à leurs ressources, notamment à l’eau, a-t-il insisté.

Le représentant du Canada a déclaré que le droit à l’accès à l’eau et à l’assainissement n’était pas codifié de manière explicite au niveau international et qu’il était par conséquent prématuré de déclarer l’existence de ce droit, alors qu’il n’y a pas encore de consensus sur cette question au niveau international.  C’est pourquoi, le Canada s’est abstenu, a-t-il dit. 

Le représentant de la Suisse a dit que son pays avait voté en faveur de ce texte tout en regrettant les problèmes de procédures qu’ont connus les négociations.  Le texte, a-t-il estimé, fait doublon avec les travaux menés en ce moment par le Conseil des droits de l’homme.  Il a appelé les pays initiateurs du projet de résolution de s’abstenir à l’avenir de soumettre des textes qui risquent d’être en contradiction avec les travaux du Conseil des droits de l’homme.  Il a dénoncé une « démarche peu constructive et peu transparente », avant de déplorer, à son tour, l’absence de référence à la responsabilité et aux obligations des États en matière d’accès à l’eau et à l’assainissement.

 

Le représentant du Liechtenstein a déclaré qu’il avait voté en faveur de ce texte tout en regrettant « une façon trop simpliste » de traiter de la question.  Le droit à l’accès à l’eau n’existe pas, a-t-il tranché, en reconnaissant seulement qu’il est abordé indirectement dans le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.  Souhaitant que la résolution ne vienne pas créer de nouveaux droits, il a voulu que le droit à l’accès à l’eau et à l’assainissement soit pris dans le contexte plus large du droit international dans son ensemble. 

Le représentant de la Guinée équatoriale a dit que l’accès à l’eau était avant tout une question de souveraineté nationale et qu’il revenait aux États Membres d’aborder cette question au regard de leur législation.

Le représentant du Yémen a estimé naturel que l’accès à l’eau soit consacré comme un droit de l’homme et prévenu que l’eau sera le pétrole du « siècle de la soif » que va devenir le XXIe. 

Le représentant de Cuba a estimé que l’adoption de cette résolution était un moment historique puisque l’ONU reconnaît pour la première fois le droit à l’accès à l’eau et à l’assainissement comme un droit fondamental.  Il a estimé que cette résolution n’était pas en contradiction avec les processus de discussion en cours au Conseil des droits de l’homme, mais qu’elle complétait au contraire ce processus.  Il a rappelé que 884 millions de personnes dans le monde n’avaient toujours pas accès à l’eau potable. 

 

La représentante du Nicaragua s’est félicitée de l’adoption de cette résolution à un moment fondamental, soit après 15 ans de débat sur la question.  Il a donc regretté que certains pays aient encore des difficultés à reconnaître le droit fondamental d’accès à l’eau.  Elle a notéavec préoccupation qu’environ 884 millions de personnes dans le monde n’aient toujours pas accès à une eau potable salubre et que plus de 2,6 milliards de personnes soient privées de services d’assainissement. 

Elle a relevé que des millions d’enfants perdent de nombreux jours d’école du fait de maladies d’origine hydrique ou liées à l’absence de services d’assainissement.  Elle a rappelé que 80% des maladies dans les pays du Sud étaient liées à l’insuffisance d’accès à l’eau potable.

Le représentant du Venezuela a aussi rappelé les chiffres avant d’estimer que la préservation de l’eau était la meilleure garantie de la paix dans le monde.  Il s’est opposé à toute commercialisation et privatisation de l’eau qui risquerait de devenir un facteur de conflit.  L’accès universel à l’eau est un fondement de la paix, de la démocratie et de la stabilité mondiale, a-t-il insisté. 

Déclaration

L’observateur de la Palestine a dit que le droit à l’eau potable était un droit fondamental de l’homme, y compris pour les gens vivant sous occupation.  L’eau est une question essentielle pour la Palestine, a-t-il rappelé, en dénonçant les détournements des cours d’eau palestiniens par Israël.  De plus, la saisie de nombreux terrains a rendu plus difficile l’accès à l’eau, a-t-il ajouté, en précisant que le peuple palestinien n’accédait qu’à 10% de l’eau extraite de son territoire. 

 

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