5-Jocelyne Landry Tsonang : « L’économie circulaire doit être formalisée en Afrique »

Le Forum mondial de l’économie circulaire (WCEF) se tient du 6 au 7 décembre 2022 à Kigali au Rwanda. L’Afrique centrale prend part à cet événement, via un Studio organisé à Yaoundé au Cameroun. Sur les enjeux et autres questions relatives à ce forum, la rédaction d’Afrik21 a interviewé Jocelyne Landry Tsonang, la représentante du Réseau africain d'économie circulaire (Acen) au Cameroun et consultante associée pour la Fondation du Acen.


 L’économie circulaire : voilà une expression qui n’entre pas forcément dans le langage commun. On l’oppose à l’économie linéaire. Quelle est la différence concrète entre les deux?
Il s’agit de deux terminologies diamétralement opposées. L’économie circulaire est un modèle économique dans lequel la matière est maintenue en ressource le plus longtemps possible. Ici les éléments fonctionnent en boucle, la matière retourne dans le système. Alors que dans l’économie linéaire, le schéma consiste à prélever la ressource, l’utiliser et la jeter, polluant de ce fait l’environnement.
Kigali, la capitale rwandaise accueille le Forum mondial de l’économie circulaire du 6 au 8 décembre 2022. C’est la première fois que cet événement se tient en terre africaine. Quels en sont les enjeux pour l’Afrique?
Je dirais que c’est une très bonne opportunité pour l’Afrique. Parce qu’avec la crise de la Covid-19 et la guerre russo-ukrainienne, nous avons réalisé à quel point notre continent est  vulnérable et dépendant des ressources naturelles. Et pourtant en appliquant l’économie circulaire, l’Afrique deviendrait moins  vulnérable, grâce à des systèmes autonomes. Aujourd’hui nous continuons à importer des engrais chimiques, malgré les prix qui ont doublé, voir même triplé sur le marché international. C’est un paradoxe, quand on voit les tonnes de déchets organiques que nous renvoyons dans la nature, au péril de celle-ci et de notre santé. Au lieu d’être un problème pour nous, ces déchets – et il y en a d’autres – peuvent être une source de richesse, car ils nous permettent de garder nos devises en arrêtant d’importer les engrais chimiques qui polluent nos sols et nos nappes d’eau.
Donc cette édition du Forum mondial de l’économie circulaire, qui se déroule en Afrique, tombe vraiment à point nommé. Les principes de l’économie circulaire permettront également de revoir notre système économique, de nous poser les vraies questions, de voir comment travailler ensemble, de voir comment renforcer la coopération sud-sud, afin de créer des systèmes économiques plus autonomes et prenant en compte la protection de la biodiversité et la lutte contre les changements climatiques.
Le contexte économique et le cadre politique qui caractérisent la plupart des pays africains sont-ils propices à l’essor de l’économie circulaire dans les villes du continent, confrontées pour l’essentiel au casse-tête de la gestion des déchets?
Les politiques ont un rôle très important à jouer, parce que le cadre politique est un peu comme la fondation sur laquelle les autres acteurs viennent construire. C’est pour cela qu’à travers ce Forum mondial de l’économie circulaire, nous avons interpellé toutes les catégories d’acteurs, car chacun à sa partition à jouer.
C’est qu’il existe un gap très important en termes de politique d’économie circulaire en Afrique, mais cela ne veut pas pour autant dire que l’Afrique est moins circulaire que les autres continents. C’est juste que cette terminologie est un peu nouvelle pour nous. Si non, nous pratiquons l’économie circulaire depuis des siècles. Nous sommes essentiellement circulaires dans notre manière de fonctionner, de consommer et de produire. Sauf qu’il reste à travailler sur des politiques publiques qui sont intentionnelles. Donc l’économie circulaire doit être formalisée en Afrique, pour que les gens, de manière volontaire ou pas, puissent pratiquer l’économie circulaire.
En votre qualité de représentante du Réseau africain d’économie circulaire au Cameroun, vous êtes impliquée dans l’organisation d’un studio à Yaoundé, sur l’économie circulaire. Quels sont les axes de réflexions qui seront abordés à cette occasion ?
Nous avons privilégié les thématiques qui sont chères pour le contexte camerounais et celui de l’Afrique centrale. Nous abordons une thématique sur l’importance de l’économie circulaire dans la croissance socioéconomique. Parce qu’il ne faut pas se leurrer, en Afrique nous avons d’abord besoin de cette croissance socioéconomique. Nous parlons du rôle du secteur privé. Parce que le secteur privé a un rôle très important à jouer dans l’implémentation de l’économie circulaire. C’est la raison pour laquelle nous avons invité le secteur privé à prendre part à ces assises, à échanger et à voir dans quelle mesure nous pouvons travailler ensemble.
Nous abordons les questions du concept EPR, la responsabilité élargie au producteur, qui est assez naissante au Cameroun, et dont la législation en la matière n’est pas assez claire. Il sera notamment question de réfléchir, pour voir comment on peut s’inspirer des modèles qui fonctionnent déjà, par exemple comme en Afrique du Sud ou en France. Nous ne demandons pas de copier ces modèles, mais de les adapter au contexte local.
Le Réseau africain d’économie circulaire défend une approche inclusive de la transition vers une économie circulaire. Qu’est-ce que cela signifie?  
L’approche inclusive signifie tout simplement que personne n’est laissé derrière. On grandit ensemble. C’est pour cela qu’on parle de transition juste, parce que toutes les catégories d’acteurs doivent travailler ensemble, et grandir ensemble.
En cela l’économie circulaire ne doit pas être au dément de la création des emplois. Parce qu’en Afrique nous avons besoin des emplois. Nous avons un dividende démographique qui nous oblige à créer des emplois. Alors, comment l’économie circulaire peut être au service de la création des emplois, de l’assainissement, de la lutte contre la faim ? C’est pour cela qu’on parle de cette inclusion, c’est-à-dire tous les secteurs ensembles.

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