4-WCEF2022 : la responsabilité des producteurs d’Afrique centrale engagée à Yaoundé

Le Forum mondial de l’économie circulaire (WCEF2022), qui s’est refermé à Kigali au Rwanda le 8 décembre 2022 a permis à l’Afrique de repenser ses stratégies de transition vers une économie circulaire, notamment en Afrique centrale où s’est tenu l’un des cinq studios organisés pour renforcer le forum principal à Kigali. Et depuis Yaoundé au Cameroun, le principe de la responsabilité élargie des producteurs (REP) a été interrogée et les acteurs économiques interpellés dans la perspective de réduire les émissions liées aux déchets, à l’énergie, au transport ou encore à la construction. Le renforcement des politiques environnementales a également été proposé en même temps qu’une panoplie de solutions pour réussir la transition vers l’économie circulaire.


 
« Pendant que les producteurs, premiers pollueurs, détruisent l’environnement, les collecteurs et les recycleurs qui s’efforcent de retirer ces déchets ne peuvent pas vivre décemment de leurs activités ». Le constat est ainsi dressé par Jocelyne Landry Tsonang, la représentante du Réseau africain de l’économie circulaire (Acen) au Cameroun, lors du studio de Yaoundé, coordonné par ledit réseau dans le cadre du Forum mondial de l’économie circulaire (WCEF2022). Le rôle du producteur dans l’adoption de la démarche d’économie circulaire a ainsi été questionné par les acteurs des secteurs privé, public et de la société civile.
Le principe de la Responsabilité élargie du producteur (REP) tient responsable le producteur non seulement pour ses produits mais, au-delà du point de vente, également pour le déchet que ces produits génèrent après leur utilisation par le consommateur. Plus précisément, ce principe veut qu’un producteur national s’assure que le déchet issu de son produit lui soit retourné ou soit acheminé vers un autre canal de recyclage. L’engagement de certains producteurs d’Afrique centrale a été salué pour leur stratégies de développement durable. C’est le cas notamment de la Société anonyme des brasseries du Cameroun (SABC) qui a  collecté et recyclé 100 millions de bouteilles plastiques dans le pays et qui projette de recycler les 80 % de ses déchets à l’horizon 2025 en collaboration avec Namé Recycling, une société belgo-camerounaise opérant dans les villes de Douala, Yaoundé et Limbe.
De son côté, la Société des brasseries du Gabon (Sobraga) indique avoir recyclée 20 millions de bouteilles plastiques en 2020 en « feuillages pour sécuriser les ballots de vêtements ou du bois semi-transformé, de paillettes qui sont des produits semi-finis destinés à l’exportation et de palettes destinées à la construction », a expliqué Marc Monkam, le directeur du site de Namé Recycling lors de la conférence. Il a aussi été relevé que les législations en matière de REP ne sont pas encore claires dans les pays de la sous-région. D’où la nécessité de renforcer les politiques environnementales en s’inspirant de bons exemples, notamment l’Afrique du Sud et la France cités par l’Acen. Quant au concept de la REP, une étude menée par des scientifiques de l’Université d’Utrecht (Pays-Bas) et de l’Université d’Ibadan (Nigeria) a démontré l’insuffisance du principe REP car il limite la responsabilité aux frontières du pays de production et vente; ils ont développé la ‘Responsabilité Ultime du Producteur’ (RUP) qui propose des solutions pour assurer leur responsabilités dans le monde entier ; ainsi la RUP s’appliquera aussi au commerce des déchets entre l’Europe et l’Afrique, tenant pour responsable les producteurs étrangers qui exportent leurs déchets dans des pays tiers.
Renforcer les politiques environnementales
Dans le secteur énergétique par exemple, l’Afrique du Sud, plus gros pollueur du continent africain fait le pari des énergies renouvelables pour sa transition énergétique et la décarbonisation de son économie. La nation arc-en-ciel qui dépend à 80 % du charbon pour sa production d’électricité devrait fermer plusieurs de ses centrales au cours des prochaines années, et construire de nouvelles installations à énergies propres.
Dans cette logique, le Cameroun qui a abrité le studio du WCEF pour le compte de l’Afrique centrale veut mettre en place une norme sur l’économie circulaire, notamment par le biais de l’Agence des normes et de la qualité (Anor) suite à son adhésion à l’Acen.
La création d’une bourse nationale des déchets au Cameroun
Dans le pays, une bourse nationale des déchets sera aussi mise en place pour renforcer les partenariats entre les acteurs du secteur des déchets (ménagers, électroniques, organiques, plastiques, industriels, médicaux, textile, etc.). Ainsi, les différents acteurs pourront bénéficier de la ‘hiérarchie de déchets’ où les déchets d’une industrie deviennent une ressource pour une autre.  Cette e initiative viendra en appui au permis environnemental accordé par le ministère camerounais de l’Environnement aux acteurs du secteur des déchets  « Toute personne en quête de ce permis doit avoir un plan de gestion des déchets ainsi qu’un partenaire de recyclage. Dans le pays, près de 500 permis ont déjà été attribués, créant des emplois et boostant l’économie à travers le paiement des taxes », a indiqué Paul Tchawa, le secrétaire général du ministère camerounais de l’Environnement, de la Protection de la Nature et du Développement durable.
Et sur ce point, le secteur privé est revenu à la charge sur la destination finale de ces taxes qui pourraient être utilisées pour faciliter la transition vers  une économie circulaire, notamment dans le secteur agricole à travers la transformation des déchets organiques en fertilisant écologique afin de réduire l’importation d’engrais chimique à la fois nocifs pour l’environnement et la santé des populations, s’est indigné Loïc Kamwa, promoteur de l’agrobusiness et spécialisé dans la culture du maïs. Le gouvernement camerounais a expliqué qu’il travaillait avec la direction générale des impôts à la mise en place d’une dimension fiscale de l’économie circulaire. « Ceux qui vont être vraiment actifs dans des initiatives de collecte et de transformation des déchets vont voir leurs charges fiscales allégées. Ceux qui au contraire vont rester dans la production des déchets sans se soucier de leur cycle de vie seront malheureusement punis », a déclaré Paul Tchawa.
Le Tchad va rejoindre l’Acen
Les responsables du Gabon et du Tchad ont également saisi l’occasion du studio de Yaoundé pour dévoiler leur feuille de route en matière de promotion de l’économie circulaire. « C’est une notion qui est encore assez timide dans l’esprit des industriels au Gabon, mais déjà on en parle. Nous disposons déjà d’un Code de l’environnement qui demande à chaque entreprise de définir un plan environnemental et préparer un plan de gestion des déchets. Maintenant nous ambitionnons d’accompagner ces entreprises vers cette transition étant donné que toutes ne sont pas nanties et donc inaptes à signer des partenariats avec des industries de recyclage », a relevé Jean Félicien Liwouwou, le directeur général adjoint chargé des écosystèmes aquatiques au ministère gabonais des Eaux, Forêts et Environnements.
Le Tchad aussi dispose d’une panoplie de lois sur l’environnement qui sont inappliquées, mais toute de suite, « le pays prévoit de rejoindre l’Acen pour construire une économie nationale réparatrice et contribuer à la construction d’une économie circulaire africaine qui génère le bien-être et la prospérité de toute sa population », a affirmé Djerang Saglar, la directrice générale du développement au ministère tchadien de l’Environnement, de la Pêche et du Développement durable.
La préservation des ressources
L’Acen mise aussi sur la création d’un éco-organisme circulaire de producteurs pour combattre la pollution et réduire la pression sur les ressources. Cette démarche veut également qu’on puisse recycler les eaux usées pour l’irrigation des terres agricoles. De plus, l’économie circulaire implique la nécessité, et l’opportunité, de passer aux énergies renouvelables, à la mobilité électrique, à des modes de construction écologiques pour réduire la pression sur l’environnement. . Une autre approche de l’économie circulaire, le système de consigne, souvent proposée par l’Acen n’a toutefois pas été discuté à Yaoundé ; ce système s’attaque a la source du problème, tel que la production grandissante du packaging en plastique, en garantissant la circulation des bouteilles en plastique entre les consommateurs et les producteurs. Ainsi, la production des bouteilles en plastique peut être réduite et leur utilisation est optimisée.

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