Hygiène et l’assainissement : les parlementaires africains au chevet des populations.
Boire des eaux polluées, marcher dans des eaux stagnantes de pluies et de matières fécales et dormir dans l’insalubrité, tels sont les maux auxquels sont confrontées annuellement les populations africaines à saisons des pluies. Pourtant nous avons tous droit à l’eau potable, à l’hygiène et à l’assainissement.
Signalons en effet le rôle essentiel que jouent les parlements nationaux du fait de leurs fonctions législatives, budgétaires et du contrôle qu’ils exercent dans la mise en œuvre des projets, programmes et des politiques publiques des gouvernements.
« Ces parlements nationaux sont conscients que la réalisation de l’objectif 6 du développement durable consistant à « garantir l’accès de tous à l’eau et à l’assainissement et assurer une gestion durable des ressources en eau » ne peut se faire sans leur implication », relève un communiqué officiel transmis à la presse.
Convaincus que seule, la synergie d’actions de l’ensemble des parlements nationaux peut être un gage de leur implication efficace à la réalisation de cet objectif.
« Le manque d’eau potable ou la consommation de l’eau polluée constituent aussi une menace grave pour nos populations respectives. La création de ce réseau est une opportunité inestimable offerte à ses membres pour mettre en exergue la problématique de l’eau et de l’assainissement dans nos pays respectifs et en rechercher les solutions appropriées », a soutenu dans le document l’Honorable Laouhingamaye Jacques le 27 août 2020 à Ouagadougou, au Burkina Faso après la mise en place d’un Réseau des parlementaires pour l’eau potable, l’hygiène et l’assainissement par les parlementaires africains.
Selon le texte, la création du Réseau des parlementaires pour l’eau potable l’hygiène et l’assainissement (REPHA-Afrique) est l’aboutissement d’une volonté du Réseau des parlementaires burkinabè pour l’eau potable, l’hygiène et l’assainissement (REPHA-BF) de partager son expérience avec d’autres parlementaires d’Afrique afin de mieux influencer les politiques nationales, sous régionales et régionales. Ce réseau se veut un cadre d’influence sur les prises de décision et l’exécution effective des politiques publiques pour un meilleur engagement politique et social en faveur de la promotion de l’accès équitable à l’eau potable, à l’hygiène et à l’assainissement en Afrique. Pour Halidou Sanfo, chef de file de ce réseau régional et député à l’Assemblée Nationale du Burkina Faso, « les questions d’eau potable et d’assainissement sont préoccupantes. Pour relever le défi, il faut une synergie d’actions. Cette cellule qui va naître va jeter les bases de l’orientation pour les questions liées à l’eau potable et à l’assainissement en Afrique ».
De son côté Laetitia Badolo de NIYEL, partenaire de cette initiative, s’est réjouie de la mise en œuvre du réseau en ces termes. « Nous sommes ravis de voir se concrétiser une volonté politique de parlementaires du Bénin, du Burkina Faso, de la Côte d’Ivoire, du Mali, du Niger, du Sénégal et du Tchad en faveur d’un meilleur accès équitable des populations en eau potable, hygiène et assainissement ».
L’Honorable Issaka Abdou du Niger n’a pas manqué de rappeler que « Grâce à ce Réseau, nous pourrons contribuer à mieux mobiliser nos Gouvernements et les PTF pour des projets d’envergure dans ces domaines à l’échelle de notre continent ». Halidou Sanfo a aussi insisté sur le fait que « ce cadre permettra de coopérer avec d’autres organismes et réseaux africains ou internationaux dans le cadre de la consolidation du droit d’accès à l’eau potable, à l’hygiène et à l’assainissement ». Pour lui, les parlementaires ont un rôle important à jouer dans l’atteinte des objectifs liés à l’eau potable, à l’hygiène et à l’assainissement « parce que le Parlement est le lieu où toutes les questions d’intérêt national sont débattues » et « les décisions vont influencer les politiques nationales et sous régionales ».
Moctar FICOU / VivAfrik
2-Le rôle des collectivités territoriales dans la gouvernance et l’économie de la sécurité de l’eau en Afrique
Par
Debbo Mballo
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26 septembre 2020
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La problématique de l’eau est au cœur du quotidien des collectivités territoriales africaines où seulement 20% de la population urbaine en Afrique subsaharienne a accès à de l’eau potable. Dans l’optique d’apporter un soutien efficace au élus locaux, une enquête de l’OCDE a été lancée en collaboration avec CGLU Afrique, sur « la gouvernance et l’économie de la sécurité de l’eau en Afrique ». Les résultats préliminaires ont été présentés le 17 septembre 2020, lors d’un webinaire organisé conjointement par CGLU Afrique et l’OCDE.
Le 17 septembre 2020, l’OCDE et CGLU Afrique ont organisé un webinaire sur « La Gouvernance et l’Économie de la Sécurité de l’Eau en Afrique ». Entrant dans le cadre de la préparation du 9ème forum de l’eau prévu en mars 2021 à Dakar (Sénégal), le webinaire a enregistré la participation d’une centaine de personnes. Parmi lesquels une trentaine de collectivités territoriale africaines, la Banque Ouest Africaine de développement (BOAD), la Banque Africaine de Développement (BAD), le Programme Solidarité Eau (PsEau), Near East Foundation (NEF-Mali) et l’Association Tournesol (Sénégal).
La séance a été modérée par Mme Aziza AKHMOUCH, Cheffe de Division Villes, Politiques Urbaines et Développement Durable, OCDE. Dans son mot d’introduction, Mme Akhmouch a rappelé que l’objectif du webinaire est de permettre un échange et une discussion avec les villes ayant répondu au questionnaire de l’enquête lancée avec l’appui de CGLU Afrique auprès des villes africaines en mai 2020. « Je remercie les villes qui ont rempli le questionnaire ainsi que CGLU Afrique qui a fait un travail remarquable de mobilisation auprès des villes depuis ces 5 derniers mois. Ce projet est aussi une suite logique au Grand Prix mondial Hassan II pour l’eau, que le Secrétaire Général de l’OCDE, M. Angel Gurría, avait reçu lors du dernier forum de l’eau en 2018. Il s’était engagé à investir les fonds de ce prix dans un travail approfondi dédié à la région d’Afrique dans la perspective du Forum de Dakar. Le but de la présente collaboration avec CGLU Afrique est aussi d’aller au-delà de ce rapport », a-t-elle déclarée.
Dans son allocution, le Secrétaire Général de CGLU Afrique, M. Jean Pierre Elong Mbassi, s’est également réjoui de la collaboration avec l’OCDE. « Je voudrais attester la qualité de la collaboration qu’il y a eu entre nos équipes. Merci aux villes qui ont répondu à cette enquête. Il ne se passe pas une semaine dans les villes africaines sans qu’il y ait un conflit lié à l’eau ou à l’énergie. Même dans les pays où il y a des sociétés nationales, les gens oublient que lorsqu’il n’y a pas d’eau, il faut s’adresser à la société nationale, ils s’adressent à la ville. C’est pour cela que les villes ne peuvent pas se désintéresser de la question de l’accès aux services de base en particulier de l’accès au service de l’eau, elles ne peuvent pas se désintéresser de la gestion des ressources en eau et elles ne peuvent pas se désintéresser de la façon dont les services d’assainissement et les eaux usés sont liés à la qualité des eaux qu’on va exploiter dans les systèmes d’accès à l’eau potable. Cette enquête est très importante et je félicite l’OCDE d’avoir envisagé de mettre en place une session spéciale des maires (table ronde) lors du prochain Forum Mondial de l’eau en 2021 à Dakar. Parce que nous voudrions que la voix des collectivités territoriales soit entendue et ce webinaire doit nous aider à formuler cette voix, à nous y préparer et qu’à Dakar nous aurons l’occasion de dire haut et fort ce que nous aurons préparé pour que les collectivités territoriales soient au cœur des enjeux de l’eau, en particulier dans les villes », a souligné M. Mbassi.
Le point sur le rôle de l’échelon local dans la gouvernance de l’eau a été fait par M. Mohamed NBOU, Directeur de la Task Force Climat de CGLU Afrique. « En Afrique en matière de gestion des ressources de l’eau, il y a des menaces bien établies, notamment la Croissance démographique, l’Afrique comptera la moitié de la population mondiale d’ici à 2050 et les impacts des changements climatiques sont manifestes. Au niveau de l’Afrique, l’architecture de riposte en matière de changement climatique est basée sur deux thématiques clés : l’eau et l’énergie. L’eau pour l’approche adaptation face aux changements climatiques, l’énergie pour l’atténuation face aux effets du changement climatique. A travers les discussions avec les collectivités territoriales il y a deux axes sur lesquelles intervenir : la faiblesse des infrastructures au niveau des villes et l’absence d’une gouvernance multiniveau ».
Résultats préliminaires
Les résultats préliminaires de l’enquête sur la gouvernance de l’eau dans les villes africaines, ont été présentés par Mme Maria SALVETTI, Économiste et Analyste des Politiques, OCDE. Le contexte de l’enquête rappelle les mégatendances qui ont un impact sur la gestion de l’eau dans les villes africaines : l’urbanisation, le changement climatique et le changement démographique. En effet, le continent présente une croissance économique de 5% par an dans les villes africaines. Plus la population augmente, plus la demande en eau augmente, ce qui augmente la pollution. A ce jour, seul 20% de la population urbaine d’Afrique subsaharienne a accès à une gestion d’eau assainie.
30 villes dont 13 capitales ont répondu au questionnaire qui comporte 8 blocs. Les élus se sont prononcés sur la perception qu’ils ont des mégatendances, la cohérence des politiques locales de gestion des ressources en eau et services d’assainissement. Il ressort que les risques liés à l’eau dans les villes participantes sont par ordre : les inondations, l’accès insuffisant à l’eau, l’assainissement et les infrastructures (obsolètes, vieillissantes, manquantes). Pour gérer ces risques les villes mettent en place des actions de politiques publiques en matière de gestion d’eau et d’assainissement. Ces politiques sont principalement impulsées par le gouvernement central. Ensuite, c’est l’engagement local et le leadership des Maires qui prennent le relais pour guider la politique de l’eau au niveau de la ville. Le droit à l’assainissement, l’Agenda 2030 sont des éléments et instruments qui servent à guider la politique de l’eau au niveau de ces villes.
Les premiers résultats indiquent également que les villes africaines développent plus des politiques publiques spécifiques pour les services d’eau et d’assainissement au niveau local, tandis qu’elles développent moins des politiques publiques spécifiques pour la gestion des ressources en eau au niveau local. Les objectifs sont clairement définis dans ces politiques de développement des services d’eau et d’assainissement mais l’évaluation est moins régulière. Le constat est le même pour la partie ressource en eau. Le volet évaluation est donc à améliorer pour rendre ces politiques efficaces.
Les politiques sectorielles ayant le plus d’influence sur la gestion de l’eau dans ces villes sont celles de l’aménagement du territoire, la santé publique et le code de la construction et du logement. En ce qui concerne les opérateurs des services d’eau et d’assainissements au niveau des villes il y a une prédominance des opérateurs publics et une prédominance des opérateurs uniques. Dans les ¾ des villes de l’échantillon, l’échelon responsable de la fourniture en eau et assainissement est l’échelon national. Il y a quelques villes seulement qui ont des opérateurs privés. Pour le volet ressources, les sources de financement des services d’eau et d’assainissement sont le tarif d’eau, les subventions (issues de budget national ou du budget local) et enfin l’aide internationale. Les principaux obstacles à une gouvernance efficace de l’eau dans les villes sont : le manque de financement, le manque de personnel et le faible investissement.
Les échanges ont permis de recueillir les contributions des participants. La ville de Saint–Louis (Sénégal) a présenté l’exemple de l’intercommunalité qui doit être une piste importante dans la gestion de l’eau et des inondations. Elle propose la mise en œuvre des programmes d’intercommunalité car les conséquences de la gestion de l’eau et du changement climatique impliquent plusieurs collectivités territoriales. Le Maire de Chefchaouen (Maroc), M. Mohammed Sefiani a relevé le souci du recyclage et de la réutilisation des eaux usés. Dans sa ville comme dans plusieurs autres le coût du m3 d’eau potable reste élevé pour les citoyens et les populations ne comprennent pas comment il faut payer l’eau. « Les fonds liés au climat en matière d’atténuation et d’adaptation, il serait important de les utiliser aussi pour l’eau », recommande –t-il. Pour sa part le Maire de Bangui, M. Emile Gros Nakombo, invite à miser également sur la coopération décentralisée. « Dans plusieurs pays africains c’est l’État qui gère directement l’eau.il faut explorer d’autres pistes au niveau des collectivités. A Bangui, la mairie procède à l’installation d’un centre d’épuration des eaux des hôpitaux en partenariat avec la ville de Chécy en France afin de lutter contre le gaspillage de l’eau. »
L’Association Nationale des Communes du Bénin (ANCB) propose de promouvoir la gestion intégrée des ressources en eau comme une approche de solution durable pour faire face à toutes les questions liées aux inondations et aux effets de changement climatiques.
Mme Maria SALVETTI a tenu à préciser que « le rapport sera accompagné d’une fiche par ville. Il y‘aura un aspect qualitatif du rapport avec des bonnes pratiques à mettre en avant. A propos de l’intercommunalité, certaines études montrent que ça peut être une façon plus pertinente pour augmenter l’accès à l’eau et à l’assainissement. Il est encore possible pour les villes de participer à l’enquête jusqu’au vendredi 8 octobre 2020 ».
En clôture du Webinaire, M. Jean Pierre Elong Mbassi a indiqué comment faire pour que la problématique de l’eau devienne l’affaire de tous. « Pour qu’on soit sensible à l’eau tout le temps, il faut que l’eau cesse d’être un secteur, pour devenir un politique publique territoriale, parce que c’est au niveau des territoires que tout se coordonnent. Les Ministres de l’eau s’occupent de l’eau au niveau national, pareil pour les Ministres des finances par contre lorsque le Maire s’occupe de l’eau il touche tous les aspects : le foncier, l’eau potable, les inondations, les eaux usés. Il y a tout un environnement et le Maire est obligé de réfléchir de manière globale. Il y a une fausseté qui a été véhiculée dans le monde qui dit : penser global, agir local. On ne peut penser global qu’au niveau local. Tous ceux qui pense que le niveau global est un niveau de réflexion où on peut appréhender les intérêts de croissance font fausse route, le seul endroit où on peut penser global c’est au niveau des territoires. Donc il faut ramener les politiques au niveau territorial et parce qu’on a toujours réfléchi les politiques sectoriellement, on a perdu de vue cette inter- relation entre les acteurs, entre les espaces ce que j’appellerais la subsidiarité », explique M. Mbassi.
Poursuivant son argumentaire il recommande de « mettre la gestion de la ressource au cœur du débat sur l’eau. Parce que la gestion de la ressource réuni l’eau et l’assainissement, l’eau et la biodiversité, l’eau et l’ensemble de son insertion dans l’environnement. Ainsi, la question de la gestion de la ressource est une question essentielle à laquelle il faut rendre sensible les collectivités territoriales, pour le moment beaucoup de collectivités territoriales ne sont pas sensibles à cette question. Cette question de la ressource, oblige à réfléchir par bassin inversé et oblige à avoir un écosystème dans lequel beaucoup de collectivités doivent être associées pour que cet écosystème soit géré (intercommunalité, niveau régional d’intégration). Deuxième point sur lequel je voudrais qu’on attire l’attention, c’est le nexus eau / Energie, car ce nexus permet de comprendre pourquoi les gens doivent payer l’eau. Le fait de payer l’eau est aussi une discipline. Je pense que cette question doit faire l’objet d’un dialogue structuré autour de la problématique de l’eau avec 4 parties prenantes : l’Etat, les Collectivités territoriales, qui représentent tous les deux la puissance publique, ensuite les opérateurs qui peuvent être une puissance publique ou délégataire des puissances publiques (officiel ou non officiel), parce que les petits opérateurs indépendants sont aussi à prendre en compte. Dans les villes comme les nôtres, 60% des personnes desservie en eau le sont par des voies non officielles. Il faut les mettre autour de la table parce que la qualité des services doit être garantie pour tous. Il faut aussi et par-dessus tout avoir les usagers autour de la table. Le quadrilogue est essentiel pour que l’eau devienne un débat de politique publique, un débat démocratique. La démocratie c’est mettre sur la table des conflits d’intérêt et les résoudre par la délibération ».
Quid du financement ? « Cette question, il faut la réfléchir de manière sereine. Tout ce qui s’amortie sur la longue durée doit faire l’objet de financement de longue durée, en général les prêts à taux faible et à maturité longue. Ça ne peut se faire que par les banques de développement où par l’investissement direct de l’Etat. On ne peut pas demander aux collectivités territoriales d’aller investir sur cet aspect. Ce n’est pas crédible, en tout cas pas pour les collectivités africaines. Ça c’est ce qui concerne les infrastructures. Pour la distribution et le fonctionnement du service, le tarif doit être acté. Mais ce tarif ce n’est pas le coût, c’est le prix qu’on accepte. Ce prix il peut être modulé en fonction de la catégorie sociale, en fonction de la consommation, etc. Il y a plusieurs autres critères qui permettent que le prix payé par les uns, soit moins élevé que le prix payé par les autres. Mais il faut que l’opération soit couverte. Tous les coûts doivent être couverts par le tarif, mais le tarif peut être modelé. La dernière chose et la plus délicate c’est la maintenance. Le coût de la maintenance est un coût qui doit être partagé entre la ville, l’usager et l’Etat. La maintenance pose un vrai problème de responsabilité et de gouvernance, et souvent elle n’est pas intégrée dans les stratégies. On dit toujours que les infrastructures peuvent être payées par le prêt mais pas la maintenance, c’est une faute. Il faut qu’on regarde bien l’ensemble du système pour qu’il fonctionne. Il ne faut pas partir du point de vue idéologique, il faut partir du point de vu concret de la vie des gens. Si on est sérieux avec la prescription des ODD de ne laisser personne de côté », a –t-il conclut. Le rapport final est attendu pour la fin d’année et son lancement dans le cadre du Forum mondial de l’eau en mars 2021 à Dakar.
Sahel : les défis de l'adaptation aux pluies intenses et aux inondations
DÉCRYPTAGE. Plusieurs chantiers doivent être entrepris pour atténuer les effets de ces épisodes de pluies extrêmes, dans une région déjà vulnérable au changement climatique.
Par Agnès Faivre
Modifié le 23/09/2020 à 16:59 - Publié le 19/09/2020 à 18:18 | Le Point.fr
Des images de routes coupées par les eaux et de maisons et de véhicules submergés ont tourné en boucle dans les médias et sur les réseaux sociaux. © SEYLLOU / AFP
Précipitations records au Sénégal, crue exceptionnelle du fleuve Niger – avec de nombreux quartiers qui restent à ce jour inaccessibles à Niamey –, les fortes pluies de ces dernières semaines se soldent par un bilan humain tragique. Au moins 103 morts au Soudan, 65 au Niger, 13 au Burkina Faso et 6 au Sénégal. Sans parler des centaines de milliers de déplacés et des dégâts matériels. Comment interpréter la violence de cette saison pluvieuse de Dakar à Khartoum ?
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Reprise des pluies
Dans cette zone sahélienne « marquée par l'irrégularité climatique », il semble d'abord se produire selon le climatologue Zeinedinne Nouaceur « un cycle de reprise des pluies », caractérisé notamment par des pluies intenses. « Au Sénégal, l'Agence nationale de l'aviation civile et de la météorologie (Anacim) a relevé des cumuls journaliers supérieurs à 200 mm dans plusieurs villes. 200 mm en 24 heures, au Sahel, c'est énorme ! La pluviométrie annuelle dans la zone sahélienne typique est comprise entre 200 et 400 mm », poursuit le maître de conférences à l'université de Rouen, auteur d'une publication intitulée « La reprise des pluies et la recrudescence des inondations en Afrique de l'Ouest ».
Quant aux crues dévastatrices au Niger, il s'agit également d'un phénomène qui tend à s'accentuer depuis quelques années. « En 2012, le débit du fleuve Niger a atteint sa plus forte valeur depuis 1929 à Niamey. En 2016, un niveau record a été observé sur le Gouorol, un affluent du Niger », indique Zeinedinne Nouaceur. Les inondations se sont reproduites fréquemment par la suite, provoquant des dizaines de décès et des dégâts très lourds au Niger. Découlent-elles directement de l'abondance des pluies ? Selon le spécialiste des risques environnementaux au Maghreb et au Sahel, plusieurs facteurs sont à prendre en compte. « Il y a, certes, une intensification des précipitations en amont du fleuve Niger, mais il n'y a pas assez de digues pour l'empêcher de sortir de son lit. On fait aussi face à une augmentation de la population dans les zones urbaines, avec une occupation parfois anarchique qui concourt à la création de quartiers informels, et un réseau d'assainissement qui n'est plus adapté. »
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« Redoubler d'efforts » pour faire face
Des facteurs qui ont pu expliquer les crues dans d'autres capitales, et notamment dus au fait que les « systèmes politiques de cette région sahélienne ont été forgés par des décennies de gestion de la rareté des pluies », selon Zeineddine Nouaceur. « Or il faut à présent faire face à cette nouvelle donne, qu'est la reprise des pluies. Certains pays comme le Sénégal ont mis en place des plans de lutte contre les inondations, la Mauritanie a inauguré un réseau d'assainissement urbain, mais il faut redoubler d'efforts pour suivre la poussée démographique. Ce sont des changements colossaux qui sont requis », ajoute-t-il.
Les États sahéliens ont-ils bien pris la mesure de cette « nouvelle donne » ? Il semble pour le moins que « les gouvernements et les organisations (nationales, régionales, internationales) n'aient pas prêté suffisamment attention aux prévisions et aux avertissements sur les risques possibles d'inondations », estime Fatima Denton, directrice de l'Institut des Nations unies pour les ressources naturelles en Afrique (UNU-INRA), basé à Accra. Et de rappeler que « les fortes pluies qui ont touché les pays sahéliens en août et septembre 2020 ont été prédites et des avertissements ont été émis dès avril 2020 par l'Organisation météorologique mondiale ». Un forum censé discuter des « prévisions plus humides que la moyenne au Sahel » s'est même tenu du 20 au 24 avril 2020. Il a rassemblé des centres météorologiques nationaux et régionaux, des représentants de la Cedeao, des partenaires techniques et financiers. À Niamey, une note d'alerte rendue publique le 12 août 2020 indiquait quant à elle que la crue amorcée en juin atteignait son seuil critique, fixé à 620 cm.
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Quel lien établir avec le changement climatique ?
Le Sahel reste une zone très vulnérable face au dérèglement climatique, dont les répercussions sont diverses. « On peut s'attendre dans cette région de la planète à une poursuite de la tendance générale à l'assèchement, avec une variabilité et une incertitude accrues pour des acteurs comme les agriculteurs et les urbanistes. La tendance à un début plus tardif de la saison des pluies se poursuivra probablement et la probabilité d'événements météorologiques plus extrêmes tels que des épisodes de chaleur extrême et de violentes et courtes rafales de pluie se poursuivra », ajoute Fatima Denton, également auteure-coordinatrice du Rapport spécial sur le changement climatique et les surfaces continentales (SRCCL) du Giec (Groupe d'expert intergouvernemental sur l'évolution du climat). Ce qui se traduit par des menaces accrues pour la sécurité alimentaire, les infrastructures mais aussi pour les systèmes de santé, avec des crises sanitaires résultant notamment « de l'excès de chaleur et des eaux de crue stagnantes ».
Néanmoins, il reste difficile pour l'instant, selon les deux scientifiques, de faire un lien entre cette saison pluvieuse abondante et le changement climatique. « La saison des pluies annuelle au Sahel coïncide avec la migration vers le nord de la zone de convergence intertropicale (ZCIT), une ceinture de basse pression qui encercle la terre près de l'équateur. Ce mouvement est propulsé par un certain nombre d'influences variables, notamment les jet-streams, les alizés et les fluctuations de température à la surface de l'océan. Ils peuvent être affectés par le phénomène saisonnier El Nino, qui est associé au changement climatique, mais ce n'est pas toujours le cas. Ces événements climatiques inhabituels ne sont pas le signe d'un nouveau schéma. Des années inhabituelles de fortes pluies et d'inondations dans de telles zones (...) ne sont pas un phénomène nouveau, il est donc difficile de l'attribuer au changement climatique », explique Fatima Denton.
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Pistes de chantiers à mettre en œuvre
Les politiques d'atténuation et d'adaptation au changement climatique n'en demeurent pas moins un enjeu essentiel sur le continent africain. Elles passent par la planification urbaine (interdictions de construire dans certaines zones, amélioration des systèmes d'assainissement et de distribution d'eau), la gestion des terres avec notamment la « plantation de ceintures forestières pour juguler l'aridification des terres et réintroduire de la biodiversité », selon Fatima Denton. Cette experte d'origine gambienne insiste également sur la mise en place de « programmes de connaissance et d'éducation à tous les niveaux, et ciblant les zones et les populations impactées » et sur le « renforcement des capacités institutionnelles pour que les décideurs comprennent réellement la nécessité d'une planification efficace et réaliste ». Enfin, la coopération internationale est bien sûr importante pour mieux préparer et gérer les conséquences du changement climatique sur le continent africain. À cet égard, Fatima Denton souligne la pertinence d'une hausse de « la conversion des financements et des ressources de l'aide au renforcement de la résilience ». Une mesure, selon elle, « moins chère et plus efficace pour la gouvernance. »
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