Forensic Architecture (L'architecture médico-légale) publie une vidéo confirmant le meurtre d'un réfugié syrien à la frontière grecque

Le groupe de recherche Forensic Architecture, basé à Londres, a publié hier une vidéo d'investigation qui démythifie les affirmations du gouvernement grec sur les fausses nouvelles concernant le meurtre du réfugié syrien Muhammad al-Arab par le feu grec à la frontière terrestre du pays avec la Turquie.

Le meurtre de Muhammad al-Arab, âgé de 22 ans, a été rapporté pour la première fois par la journaliste Jenan Moussa le 2 mars sur Twitter. Moussa a partagé des vidéos de l'incident et a réussi à retrouver la famille d'al-Arab à Istanbul, qui a confirmé sa mort. Le porte-parole du gouvernement grec, Stelios Petsas, a immédiatement tweeté que les rapports étaient des fausses nouvelles et de la "propagande turque", ce à quoi Moussa a répondu avec une photo du cercueil d'al-Arab.



Reuters et d'autres médias internationaux ont repris l'histoire de la mort d'al-Arab par le feu grec à la frontière, mais le silence des médias locaux sur la question a été assourdissant. Pendant deux jours, il n'a pas été possible de savoir si un meurtre avait réellement eu lieu, le gouvernement dénonçant à plusieurs reprises les rapports comme étant inexacts.

La nuit dernière, Forensic Architecture a publié une vidéo de ses recherches sur le meurtre d'Al-Arab. La vidéo confirme l'heure, la date et le lieu des vidéos tournées par les témoins au cours de l'incident, en utilisant des métadonnées vidéo et en comparant les images vidéo avec les images satellites de la zone. La vidéo prouve donc qu'al-Arab a bien été tué par des balles réelles à la frontière gréco-turque alors qu'il tentait de passer en Grèce. Vous pouvez regarder la vidéo de l'architecture médico-légale ici (avertissement : contenu graphique).
Forensic Architecture, The Killing of Muhammad al-Arab (L'assassinat de Muhammad al-Arab). Capture d'écran par l'auteur.

Ce n'est pas la première affaire sur laquelle l'Architecture Légale enquête en Grèce. Le groupe nommé par Turner a mené des recherches sur le meurtre de Pavlos Fyssas, le lynchage de Zak Kostopoulos, un naufrage au large des côtes de Lesbos qui a entraîné la mort d'au moins 43 personnes, et l'extradition de demandeurs d'asile politique turcs par la Grèce. En septembre 2019, Forensic Architecture a présenté sa première exposition individuelle en Grèce à l'occasion de State of Concept à Athènes.
Le meurtre d'Al-Arab est le résultat de l'escalade de la violence du côté grec de la frontière et du racisme rampant parmi les citoyens grecs, alimenté par les politiciens et les médias. Le 2 mars, les forces armées grecques ont annoncé qu'elles utiliseraient des balles réelles à la frontière terrestre avec la Turquie et sur la côte de Lesbos. Entre-temps, des groupes d'autodéfense armés sont apparus et patrouillent la frontière afin de dissuader les réfugiés de la traverser. Selon les rapports de Die Linke et de Twitter, ces groupes sont rejoints par des groupes néonazis d'Allemagne et d'Autriche.

Amnesty International a publié une déclaration condamnant la Grèce pour avoir trahi ses responsabilités en matière de droits de l'homme et mis en danger la vie des gens, affirmant que la Grèce devrait faire tout son possible pour protéger l'arrivée des demandeurs d'asile dans le pays. La section grecque d'Amnesty International a publié un rapport séparé, soulignant que la situation le long de la frontière gréco-turque est "une crise humanitaire causée par l'Europe", et que la Grèce devrait protéger le droit d'asile avec le soutien de l'UE. Des manifestations de solidarité avec les réfugiés et contre la violence d'État et le racisme ont été annoncées pour aujourd'hui, jeudi 5 mars, dans différentes villes de Grèce.Architecture médico-légale, Le meurtre de Muhammad al-Arab. Capture d'écran par l'auteur.
Texte de Kiriakos Spirou

Lesbos : Un navire de la marine transférera les nouveaux arrivants dans des camps de "pré-déportation

4 mars 2020   

Un navire de la marine grecque est arrivé au port de Mytilène à Lesbos mercredi matin. Le navire accueillera des centaines de réfugiés et de migrants arrivés sur l'île après le 1er mars, qui ne sont pas autorisés à déposer une demande d'asile suite à une récente décision du gouvernement de suspendre temporairement la procédure.

Le ferry "Rhodes" accueillera environ 350-500 personnes. La priorité sera donnée aux femmes et aux enfants.

Comme le gouvernement n'a pas pris la peine d'informer officiellement sur le transfert, les médias rapportent des informations non confirmées selon lesquelles, après l'embarquement des migrants, le navire restera à quai pendant une période indéterminée.

Le plan du gouvernement prévoit qu'ils seront transférés dans des "camps fermés" sur le continent, dans le nord de la Grèce, où ils resteront jusqu'à leur expulsion vers leur pays d'origine.

Les nouveaux arrivants proviendraient d'Afghanistan, du Pakistan et de Somalie.

En attendant, il semble que même le ministère des migrations ne soit pas prêt à faire face à la situation. Au départ, le plan voulait que les migrants soient identifiés après leur embarquement. Aujourd'hui, les médias locaux rapportent que les autorités ont commencé à les enregistrer et à prendre leurs empreintes digitales dès le port.

Les habitants de Lesbos n'ont pas permis aux nouveaux arrivants d'accéder au hotspot de Moria, car ils sont en conflit avec le gouvernement pour avoir retardé la décongestion de l'île et prévoit un nouveau centre de migrants d'une grande capacité.

Depuis leur arrivée dimanche et lundi, les migrants ont créé un camp de fortune dans le port de Mytilène.

Selon des journalistes présents sur place, ces migrants, dont de nombreuses familles avec des enfants en bas âge, se tenaient derrière des barrières installées par les autorités portuaires.... "Les migrants sont contenus par la police pour éviter des affrontements avec les locaux", explique à InfoMigrants Anna Pantelia, responsable de communication pour Médecins sans frontières (MSF) à Lesbos.

La nouvelle de l'arrivée d'un bateau sur l'île pour transférer les gens vers le continent a mobilisé des centaines de personnes de Moria qui se sont déplacées vers le port pour ... prendre le bateau, déjà mardi.

Beaucoup d'entre eux détenaient des billets pour des ferries commerciaux. Certains billets étaient "faux" et d'autres étaient datés de février.
On ne sait pas qui incite ces pauvres âmes et leur vend ainsi des billets non valables pour 51 euros par personne.
Ceux de Moria ont dû retourner au camp après l'arrivée de forces de police importantes au port.

La tension et les affrontements étaient inévitables.

Merkel donne 32 millions d'euros à Erdogan pour "empêcher les migrations incontrôlées".

4 mars 2020   

La chancelière allemande Angela Merkel envoie 32 millions d'euros au président Recep Tayyip Erdogan : cet argent est censé aider les garde-côtes turcs à arrêter plus de migrants qui veulent entrer dans l'UE. L'Allemagne invoque "l'intérêt de l'État allemand" pour justifier ce généreux cadeau.
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Comme il ressort d'une lettre du ministère fédéral des finances à la commission du budget du Bundestag, l'argent supplémentaire demandé par le ministère de l'intérieur doit être utilisé, entre autres, pour le remplacement des moteurs, l'achat de pièces détachées, la formation ...
La lettre précise : "Le sauvetage de vies humaines et l'amélioration de la situation humanitaire dans la région méditerranéenne sont tout aussi importants pour l'État allemand que la prévention d'un mouvement migratoire incontrôlé vers l'Allemagne". Le besoin d'argent est imprécis, car il n'a été déterminé qu'avant le voyage de la chancelière Angela Merkel en Turquie, fin janvier, par des experts de la police fédérale.

Les garde-côtes turcs doivent être soutenus le plus tôt possible, a affirmé le gouvernement fédéral, "notamment en ce qui concerne les conditions météorologiques qui vont s'améliorer à partir du printemps et les mouvements migratoires qui vont probablement augmenter à nouveau en conséquence", a rapporté mercredi la presse allemande.

PS Apparemment, Angela n'a pas entendu la nouvelle que son ami Tayyip a repoussé de ses propres mains des milliers de migrants hors de Turquie et donc vers la Grèce et "l'Europe".
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L'Allemagne envoie 1 hélicoptère et 20 policiers pour renforcer Frontex en Grèce

4 mars 2020   
L'Allemagne envoie à Athènes un hélicoptère et vingt policiers pour renforcer la surveillance de la frontière gréco-turque, a indiqué mercredi le ministère allemand de l'Intérieur.

Les policiers rejoindront Frontex  en Grèce, où soixante autres policiers allemands sont déjà en poste.

Deux fonctionnaires allemands sont déjà sur les îles grecques pour examiner s'ils peuvent soutenir la construction par les autorités grecques de logements d'hiver et l'approvisionnement en eau des réfugiés bloqués à la frontière gréco-turque.
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Lettre au président de la République sur la situation à la frontière gréco-turque

Lettre ouverte de plusieurs organisations associatives et syndicales

à l’attention du Président de la République

 Objet : Situation à la frontière entre la Grèce et la Turquie

Paris, le 4 mars 2020

Monsieur le Président,

Depuis plusieurs jours, un nombre important de personnes en grande détresse affluent aux frontières entre la Turquie et la Grèce. Elles sont prises au piège, coincées entre les deux lignes de frontières. Parmi elles, un nombre important de réfugié-e-s syrien-ne-s et une grande proportion de femmes et d’enfants.

L’instrumentalisation de ces populations par le Président turc ne fait aucun doute mais la réponse européenne ne peut être purement sécuritaire. Si les enjeux sont aussi diplomatiques en raison de la situation au nord de la Syrie et dans les pays avoisinants, ils sont avant tout humanitaires.

Nous ne pouvons voir se reproduire la situation de 2015 en pire. La « crise » qui se joue aux frontières de l’Union européenne concerne avant tout l’accueil des personnes réfugiées.

La réaction des autorités grecques et l’impuissance de l’Union européenne sont humainement catastrophiques et politiquement inacceptables. Les principes de base du droit international sont bafoués : blocage des frontières, suspension du droit d’asile, menace de renvoyer « si possible dans son pays d’origine » toute personne entrée sur le territoire grec sans procéder au moindre examen de situation. Au moment où l’extrême droite attise plus que jamais les tensions, nous pensons qu’il y a urgence à tout faire pour que l’Union européenne et ses Etats membres fassent preuve d’une humanité à la hauteur des besoins. Elle a politiquement tout à perdre en refusant de voir la réalité des enjeux.

Le droit européen permet de faire face à cette situation : la directive 2001/55/CE du Conseil du 20 juillet 2001 relative à des normes minimales pour l’octroi d’une protection temporaire en cas d’afflux massif de personnes déplacées qui ne peuvent rentrer dans leur pays d’origine est prévue spécifiquement pour les cas exceptionnels comme ce qui se passe aujourd’hui à la frontière gréco-turque. Ce mécanisme peut être enclenché sur demande de tout Etat membre. Cet Etat peut être la France.

Vous avez à de nombreuses reprises appelé à la solidarité européenne. C’est pourquoi les signataires de cette lettre vous demandent d’intervenir en ce sens et de tout faire pour que l’Union européenne prenne les mesures nécessaires pour accueillir dignement celles et ceux qui se présentent à ses frontières dans le respect des normes internationales, du droit européen et tout simplement des droits de l’Homme.Vous comprendrez que cette démarche soit rendue publique.Nous vous prions d’agréer, Monsieur le Président de la République, l’expression de notre haute considération.

Signataires : Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (Acat), Association des avocats pour la défense des droits des étrangers (ADDE), Association de soutien aux Amoureux au ban public, Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers (Anafé), Association nationale des villes et territoires accueillants (Anvita), Association pour la reconnaissance des droits des personnes homosexuelles et trans à l’immigration et au séjour (Ardhis), Association pour la taxation des transactions financières et pour l’action citoyenne (Attac), Auberge des migrants, Carré géo-environnement, Centre de recherche et d’information pour le développement (Crid), Centre Primo Lévi, La Cimade, Comité catholique contre la faim et pour le développement (CCFD-Terre solidaire), Confédération générale du travail (CGT), Emmaüs France, Fédération syndicale unitaire (FSU), Forum réfugiés-Cosi, Jesuit refugee service France (JRS France), Ligue des droits de l’Homme (LDH), Médecins du monde (MDM), Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (Mrap), Roya citoyenne, Secours Catholique-Caritas France, Solidarité laïque, Syndicat des avocats de France (Saf), Syndicat de la magistrature (SM), Tous migrants, Union syndicale Solidaires, Unir les associations pour développer les solidarités (Uniopss), Utopia 56.

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