Le secteur privé est essentiel pour réaliser le programme de développement durable en Afrique (ONU)

Les gouvernements africains doivent tirer profit du capital, de la technologie et de la main d'œuvre de l'industrie afin d'accélérer la réalisation du programme de développement durable et la reprise post-pandémie sur le continent, a déclaré jeudi une haute responsable des Nations Unies.

Amina J. Mohammed, vice-secrétaire générale de l'ONU, a affirmé que des investissements ciblés de la part des entreprises africaines étaient nécessaires pour accélérer la croissance inclusive sur le continent dans un contexte de chocs économiques liés au COVID-19.

"Le secteur privé en Afrique doit saisir l'opportunité d'investir de manière durable et de créer un continent paisible et prospère, qui soit également résilient aux chocs entraînés par la pandémie", a-t-elle indiqué.

Elle s'exprimait lors d'un sommet virtuel afin de discuter du rôle des entreprises dans la réalisation des principaux Objectifs de développement durable (ODD) en Afrique, tels que l'éradication de la pauvreté, la santé et l'égalité des genres.

Plus de 2.000 délégués, y compris des décideurs politiques, des donateurs et des militants, ont participé au sommet d'une journée qui se tenait sous le thème "Unir les entreprises pour l'Afrique que nous voulons : une décennie d'actions et d'opportunités".

Le sommet a été organisé par le Pacte mondial des Nations Unies, en collaboration avec des réseaux africains du secteur privé, et a porté sur les interventions dirigées par le marché qui peuvent revitaliser le programme de développement durable sur le continent.

Mme Mohammed a souligné que l'Afrique a besoin des investissements du secteur privé pour répondre au sous-développement chronique, aux inégalités, au chômage des jeunes et à la crise de santé publique engendrée par le COVID-19.

"Le secteur des affaires doit être en première ligne pour redonner de l'énergie aux économies africaines et améliorer leur résilience face à la pandémie par le recours à l'innovation", selon Mme Mohammed.

Elle a noté que des politiques solides devaient être mises en place pour encourager la croissance des petites et moyennes entreprises (PME) et lutter contre le chômage significatif chez les jeunes Africains.

Hanna Serwaa Tetteh, représentante spéciale du secrétaire général de l'ONU auprès de l'Union africaine (UA), a déclaré que les entreprises doivent adopter les principes du développement durable dans leurs opérations clés afin de renforcer la réponse à la crise climatique, à la pandémie et aux troubles civils en Afrique.

"Nous devons utiliser l'énergie, l'innovation et la créativité des entrepreneurs africains pour favoriser la reprise post-pandémique, créer des emplois décents pour les jeunes et consolider la cohésion", selon Mme Tetteh.

Sanda Ojiambo, directrice exécutive du Pacte mondial, a pour sa part relevé que la pandémie de COVID-19 avait rappelé aux entreprises africaines la nécessité d'investir dans des programmes qui transforment les communautés locales.

"Les entreprises africaines travaillent main dans la main avec les gouvernements pour aider à vaincre la pandémie en fournissant aux communautés des gels hydroalcooliques, de l'eau propre et des équipements de protection", a déclaré Mme Ojiambo.

"Ces entreprises apportent des solutions locales aux défis de la pauvreté, de la faim, du manque d'eau propre et des maladies. Ces actions ont permis au continent de se rapprocher de la réalisation des objectifs de l'ONU à l'horizon 2030 et de l'Agenda 2063", a-

 

 

 

   

2-Une plate-forme scientifique sur la cartographie des sols en Afrique.

La Fondation OCP et l’université Mohammed VI polytechnique (UMP6P) ont lancé la plate-forme scientifique Restore Africa Soils dédiée au suivi de la cartographie des sols en Afrique avec l’objectif pour les chercheurs africains et les partenaires du groupe OCP de communiquer autour de l’état d’avancement des projets de cartographie des sols lancés conjointement et localement. « Ce programme permet aux différents interlocuteurs de partager leurs expériences respectives et bonnes pratiques en la matière (Echantillonnage, analyse au laboratoire,) mais aussi d’assurer une continuité dans la formation sur la fertilisation raisonnée, sur les systèmes », indique un communiqué du groupe OCP.

Un lancement qui intervient quelques jours avant la célébration de la journée mondiale des sols par axée cette année sur l’importance que revêt la diversité des sols pour la production de nourriture, le stockage et la purification de l’eau, le cycle des nutriments, le piégeage du carbone et la création de médicaments.

 

 

 

 

 

 

3-La question du genre dans les politiques concernant l'eau en Afrique de l'Ouest

   

L'Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la sciences et la culture (UNESCO) a récemment soulevé que la question de l'eau en Afrique de l'Ouest est intimement liée à la question du genre. L'UNESCO invite l'Afrique de l'Ouest à se pencher sur la question et à inclure davantage la question du genre dans ses politiques nationales sur l'eau.

Un événement récemment organisé en ligne par le bureau régional de l'UNESCO d'Abuja par le directeur Monsieur Lamine Sow intitulé « L'eau et le changement climatique : les stratégies d'adaptation des femmes en Afrique de l'Ouest » avec plusieurs organisations comme l'office régionale d'Abuja et le programme mondial pour l’évaluation des ressources en eau des Nations Unies (WWAP) entre autre ont montré que le changement climatique affecté gravement de nombreux aspect de la vie en Afrique de l'Ouest : la vie des citoyens en général, l'eau, la question de l'égalité des genres, la préservation des écosystèmes, le développement et la croissance de la société, la sécurité alimentaire... autant de problématiques abordées primordiales pour la sécurité et le développement de la région. D'après Monsieur Lamine Sow, les femmes ont un rôle important a jouer dans les décisions politiques concernant l'approvisionnement en eau potable et doivent être impliquées en étant de véritable actrices du changement. En effet, les femmes jouent un rôle important au sein du foyer et ne doivent pas par conséquent être exclues de ces décisions. De plus, les femmes sont les premières affectées par ces politiques puisque ce sont les premières touchées en cas indisponibilité d'accès à l'eau. Ainsi, l'accès à l'eau est consacré par l'objectif six des objectifs de développement durable (ODD) des Nations Unies, et l'accès à de l'eau salubre et potable doit être pour tous.

Selon Lamine Sow, « les ressources en eau sont primordiales pour atteindre l'objectif six des objectifs de développement durable des Nations Unies et les précédents rapports ont montré que la qualité de l'eau est toujours un challenge, puisque avec les impacts clairement visibles du changement climatique en Afrique qui se manifestent de multiples façons comme par la déforestation, les inondations, la sécheresse, l'érosion des sols etc., malheureusement, les femmes sont touchées de manière disproportionnelle par les effets du dérèglement climatique à cause de leur connexion avec l'environnement et de leur dépendance avec les ressources naturelles ». Il continue sur sa lancée, en expliquant que « Nous devons considérer la question du genre avec des finalités planifiées à l'échelle nationale, et ce en particulier pour les questions de l'eau et des politiques d'adaptation face à la variabilité du climat ».

Ainsi selon les données des Nations Unies, en Afrique Subsaharienne, 37 % de la population passe au moins trente minutes pour trouver de l'eau potable pour leur usage personnel ou pour leur bétail.

Monsieur Suleiman Adamu, actuellement ministre des ressources en eau assistant à l'événement, a déclaré que d'après les estimations, la population du Nigeria qui a désormais atteint les 200 millions en 2019 devrait doubler d'ici 2050, ce qui est problématique puisque le dérèglement climatique affecte drastiquement la région.

Pour remédier aux inégalités du genre sur l'accès à l'eau, l'UNESCO a créé des données sur la question de la parité afin d'aider ses membres à établir des politiques fiables et des mesures adaptées pour lutter contre les discriminations liées aux sexes.

4-Afrique du Sud : les femmes en première ligne face au Covid-19

Publié le 02.12.2020  Mis à jour le 02.12.2020

Outre les impacts dévastateurs sur l’économie sud-africaine, la pandémie de Coronavirus a révélé des situations de précarité pour des millions de personnes, en particulier les femmes : insécurité alimentaire, chômage et les violences à leur égard en augmentation depuis le confinement. Dans ce contexte, nos partenaires ont redoublé d’initiatives pour leur venir en aide.

Laurent HAZGUI/

La pandémie de Covid-19 a renforcé les vulnérabilités des femmes sud-africaines. D’abord sur le plan économique avec la perte, depuis août 2020, de 3 millions d’emplois au total. Deux tiers de ces emplois étaient issus du secteur informel, le plus durement touché par la crise, occupés en majorité par des femmes. Leur charge domestique a également explosé avec la fermeture des crèches et des écoles. Et avec le confinement, la distanciation dans des logements, souvent exigus, s’est avérée impossible. La dépendance des femmes vis-à-vis des hommes s’est accrue, parfois enfermées avec un partenaire violent. Les médias ont ainsi rapporté une nette augmentation de ces violences : la hotline de la police a enregistré 2300 appels pendant les 5 premiers jours du confinement,
3 fois plus qu’avant la pandémie. Et jusqu’à 120 000 appels recensés pendant les 3 premières semaines. Si la plupart des associations sud-africaines soutenues par le CCFD-Terre Solidaire ont dû adapter leurs activités aux mesures prises pour endiguer le virus, toutes ont redoublé d’efforts pour venir en aide à ces femmes. Notre allié Rural Women’s Assembly (RWA), présent dans plusieurs pays d’Afrique australe, a par exemple organisé des webinaires pour permettre aux femmes du monde rural d’échanger sur leur vécu pendant la crise. Pour mieux les accompagner, un numéro d’assistance contre les violences conjugales par messagerie instantanée, disponible jour et nuit, a également été mis à leur disposition.

Un forum de solidarité avec les femmes

RWA, avec d’autres organisations partenaires du CCFD-Terre Solidaire dont Womin (Women and Mining) et TCOE (Trust for Community Outreach and Education), a aussi initié un forum de solidarité avec les femmes pendant le Covid-19. L’objectif était d’apporter un soutien aux mouvements de femmes rurales et aux associations représentant les travailleuses agricoles pauvres, les pêcheuses, les habitantes des townships, les employées de maison, les ramasseuses de déchets et les petites productrices... Le forum a notamment révélé la crise de l’accès l’eau à laquelle les femmes dans les communautés sont confrontées depuis des années dans les communautés. Plusieurs actions de plaidoyer ont été initiées telles que l’envoi d’une lettre au ministère de l’eau et de l’assainissement, à la présidence et au parlement, pour dénoncer certaines situations les rendant plus vulnérables. Comme le fait de marcher de longues distances, au risque de subir des violences sexuelles ou le fait, en pleine pandémie, de faire la queue pour pouvoir avoir de l’eau. Ou encore d’être harcelées par la police sur leur chemin. Plus de 200 communautés, dont 24 dans des conditions très précaires, ont ainsi été accompagnées.

Cultiver la culture du dialogue

Des Sud-africains sont descendus dans la rue pour dénoncer la montée des violences à l’égard des femmes

Quant aux équipes de Durban et Cape Town d’Africa Unite, elles ont notamment organisé un échange entre hommes au mois de juillet 2020.  Le douze participants ont reconnu que la pandémie avait créé des déséquilibres au sein de la société. Il est apparu essentiel de cultiver la culture du dialogue pour qu’ils puissent exprimer leurs émotions au lieu de se renfermer sur eux-mêmes, ce qui les conduit souvent à un comportement violent. De cet échange est également ressorti un besoin criant d’avoir plus de travailleurs sociaux et de psychologues dans les écoles et les communautés défavorisées.

Enfin, toujours dans ce contexte de crise sanitaire, des Sud-africains sont descendus dans la rue pour dénoncer la montée des violences à l’égard des femmes. Le mouvement a demandé aux hommes de changer leurs comportements et ont soumis un mémorandum à la présidence.

Par le CCFD-Terre Solidaire

 

5-L’histoire de Liu, figure du Mouvement des Sans Terre au Brésil.

 Elle est l’une des nombreuses femmes sans terre qui se battent contre la violence et la pauvreté au Brésil. Lucineia, souvent surnommée Liu, est devenue aujourd’hui l’une des dirigeantes du Mouvement des Sans Terre qui regroupe 350 000 familles.

© Mouvement des Sans Terre de Bahia

Lucineia Durães do Rosário, dite Liu, est née dans une famille très pauvre, qui n’a jamais rien possédé.

Être née sans terre dans le monde rural brésilien, cela signifie travailler au jour le jour comme ouvrière agricole ou employée domestique, sans droits sociaux, sans sécurité sociale, sans savoir de quoi sera fait le lendemain, pour un salaire de misère.

Être née sans terre, c’est souvent travailler dans des immenses exploitations agricoles, et manipuler des pesticides sans protection ou travailler comme employée domestique dans des conditions proches de l’esclavage.

Être née sans terre, cela signifie ne pas avoir de maison à soi, et au mieux, parvenir à louer une terre pour nourrir sa famille, au risque de s’endetter. 

Être née sans terre, c’est bien souvent ne pas pouvoir offrir un autre avenir à ses enfants.

Une rencontre va changer leur vie

Élevée par sa mère seule, Liu risquait bien de grandir dans la misère, et d’y rester. Mais dans les années 80, la rencontre de sa mère avec le Mouvement des sans terre va changer leur vie.
A cette époque, le mouvement des travailleurs ruraux sans terre, créé en 1978, pendant la dictature, milite pour que les familles paysannes ne possédant pas de terre disposent de terrains pour pouvoir cultiver. Le mouvement demande une réforme agraire et organise des occupations de terre.  Avec l’espoir de se construire une vie meilleure et plus digne, Liu et sa mère rejoignent un de ces campements [1]

Un exemple de campement des Sans Terre, celui de Mgr Tomas Balduino, ©Jean-Claude Gerez/CCFD-Terre Solidaire

Liu raconte fièrement qu’elle a appris à lire et à écrire dans le camp. Plus tard, le mouvement lui permet d’être formée en agronomie. « En fait, tout ce que je suis, tout ce que j’ai et réalisé, je le dois au Mouvement », dit celle qui en est aujourd’hui une des dirigeantes.   Un sacré chemin pour cette petite fille qui cumulait les difficultés. Comme elle le raconte aujourd’hui, Liu a été marquée par sa confrontation avec le racisme et le machisme, notamment à l’école, avant de rejoindre les sans terre.

Une histoire de violence... et de résistance

Elle a grandi dans la région de Bahia, dans le Nordeste brésilien, où vit une importante population afro-brésilienne. Dans cette région, l’héritage de l’esclavage est très présente : une histoire d’inégalités, de domination et de violences, mais aussi une histoire de résistance. C’est ici que sont nées, face à l’oppression, des danses et musiques traditionnelles comme la samba mélangeant les cultures africaine, indigène et européenne.  Liu raconte : « Pour vous dire la vérité, dans ma vie, je me suis d’abord perçue comme noire, puis je me suis perçue comme une femme noire. Fille d’une mère célibataire, j’ai subi à l’école beaucoup de discriminations. La reconnaissance que j’ai aujourd’hui s’est faite au prix de beaucoup de combats, de beaucoup de lutte et cela aura été parfois très douloureux ».  Un sentiment d’injustice qui l’a conduit à s’investir toujours davantage dans les activités du mouvement. Elle coordonne actions et formations. Elle assiste à des expulsions, voit des familles qui perdent toutes leurs affaires, est témoin de la répression violente du mouvement.

Depuis la création du Mouvement des Sans Terre, ce sont 1700 militants et militantes qui ont été tués au Brésil.

Mais Liu assiste aussi à beaucoup de conquêtes et de solidarité. C’est ce qui lui donne la force de s’investir toujours plus...

Une histoire de femme aussi

Elle s’investit notamment dans les luttes des femmes, un combat particulièrement porté par le Mouvement des sans terre et soutenu par le CCFD-Terre Solidaire. Elles revendiquent leurs droits pour une vraie parité en tant que paysannes, en tant que femmes et en tant que sans terre. Le courage pour relever tous ses défis, elle raconte qu’elle l’a trouvé auprès des autres femmes du mouvement des sans terre.

Cette dynamique est à double sens. Liu sait parler pour emmener les autres. Le mouvement repère ses capacités de leadership et lui confie plus de responsabilités : “Etre une femme dirigeante c’est un vrai challenge. Il y a beaucoup de défis à relever car diriger c’est vu comme une activité d’homme. Ca m’oblige à tout faire parfaitement je n’ai pas le droit à l’erreur.” témoigne-t-elle.

Aujourd’hui elle dédie son temps libre à cultiver son bout de terrain. Elle rêve de révolution, d’un monde où chaque personne pourrait vivre en dignité et se réaliserait en collectif.

Une situation critique depuis l’arrivée au pouvoir de Jair Bolsonaro en 2019
Le mouvement est particulièrement la cible d’attaques, désigné par le gouvernement comme un ennemi et une menace.

De nombreuses communautés paysannes ont subi courant 2019 des expulsions forcées de leurs terres ou ont été victimes de violences de toutes sortes.

La Commission Pastorale de la Terre (partenaire du CCFD-Terre Solidaire) a enregistré 1254 conflits fonciers en 2019. Il s’agit du nombre le plus élevé enregistré par la CPT depuis 1985.

Dans un contexte de grande précarisation de la vie quotidienne, le mouvement représente un refuge et un recours pour beaucoup de familles sans ressources, qui trouvent dans les occupations de terres une solution de logement et de mode de vie.   Le CCFD-Terre Solidaire soutient le Mouvement des Sans Terre depuis 1986

 

 

PAR L'ÉDITORIALISTE DE SENEPLUS, IBE NIANG ARDO

6-ÉMIGRATION CLANDESTINE, DU PAQUEBOT LYAUTEY AUX PIROGUES

   J’ai grandi à proximité du port de Dakar et j’ai été ainsi témoin de l’émigration clandestine des jeunes du Dakar-Plateau des années 70, qui ont emprunté successivement les paquebots Lyautey, Ancerville et Massalia. La nuit où ces navires devaient reprendre le large, l’on pouvait voir dès 20h s’affairer le long de la grille de clôture du port des groupes de jeunes, dont certains finissaient par l’enjamber et aller s’engouffrer dans le bateau prêt à lever l’ancre. Par la suite, c’est une carte postale qui venait nous raconter l’épilogue de l’aventure de ces frais débarqués à Marseille. Cette carte était une gâchette de motivation pour la prochaine vague. En tant que « boy-plateau » nous étions déjà à l’époque plus connectés à l’Occident, la Pop musique, le Rhythm and Blues, la Salsa cubaine, qu’à nos valeurs culturelles. Cet attachement passionné à un mode de vie emprunté, dont la source était de l’autre côté de l’océan, faisait de nous des jeunes loin d’être tout à fait à l’aise dans notre propre pays.  Aujourd’hui, cinquante ans plus tard, je me retrouve employeur d’un jeune de mon village du Bosséa, Hafiz du coran (ce qui veut dire qu’il a mémorisé tout le coran) et fils d’imam. Depuis qu’il a quitté son Fouta natal et s’est installé à Dakar, il a pris des habitudes citadines, apprend l’anglais et le français avec une ardeur impressionnante, est fan de Tupac (défunt rappeur américain), lequel figure sur son statut de WhatsApp. Alors qu’il se montre satisfait de son sort professionnel, il a répondu à ma demande qu’il donnerait tout pour aller en Occident et, rien ne peut le convaincre que ce désir n’est que le fruit d’une illusion.

L’envie de vivre un rêve arbitraire

Ces exemples montrent qu’il y a un dénominateur commun à l’émigration des jeunes d’alors et d’aujourd’hui : le désir de s’arracher de l’asservissement d’un environnement social et culturel quelque part inhibant, pour s’envoler vers un lieu où l’on peut vivre ses rêves. Un lieu où les rêves ambitieux sont dans l’air du temps plutôt que perçus comme chimères. Ces jeunes s’en vont parce qu’ils sont les maillons d’une chaîne transgénérationnelle en marge des vocations culturelles de leur terroir et connectés depuis des décennies à l’Occident. Cet Occident qui ne cesse de consolider par la sophistication vertigineuse de ses technologies, notre addiction à son monde. Si les cartes postales périodiques d’alors nous stimulaient tant pour l’Europe, à plus forte raison l’impact d’un smartphone et toutes les capacités qu’il procure instantanément, cumulé aux autres organes de médias qui excellent dans la culture de masse.

Parole d’un rescapé : le suicide ne m’a jamais effleuré l’esprit

La remarque à faire ici est que dans le fond rien n’a changé, quant à la forme il y avait jadis moins de fatalités avec les paquebots, qui hélas ne font plus escale dans nos ports. Donc quelque soit le degré d’excentricité de la décision des jeunes passés à l’acte « Barça ou barzakh », l’on peut présumer que l’idée de suicide n’a jamais effleuré leurs esprits. Il n’est par conséquent pas pertinent de l’invoquer dans la recherche de compréhension du fléau. Ces jeunes valent plus que ça, ils en veulent ! Ce sont nos fils, l’émigration n’est pas seulement leur problèmeème mais celui de l’ensemble de la nation. Je me demande d’ailleurs comment est-ce qu’une telle tragédie peut laisser indifférentes les universités, dont les chercheurs devraient fouiller les méandres de ce phénomène au cœur de nos préoccupations et nous éclairer. S’embarquer dans une aventure si risquée n’est rien d’autre qu’une réponse à la question consubstantielle du désir, à laquelle est appelé à répondre tout désireux : - quel prix suis-je prêt à payer pour mon désir ? C’est tout à fait naturel venant d’un être humain.

Faire de notre pays un endroit où il fait bon vivre pour un jeune

Dans le jargon des jeunes d’aujourd’hui circule une exclamation éloquente : “Deuk Bi Dou Dem”. Voyez-vous le gap entre cet aphorisme et le projet de l’émergence qui se veut inclusif, qu’eux-mêmes devraient s’approprier ? -  Les responsables du PSE devraient mieux réfléchir sur la vente de leurs produits à la population. Pas facile, car l’émergence fait partie des produits les plus complexes à vendre chez nous. A la lumière de ce qui se fait et la perception que les gens en ont, il ressort clairement que le refrain “émergent” qui a ses limites quant à l’accès aux masses ne peut sortir ces dernières de leur perplexité. Elles continuent à se demander à chaque fois qu’un locuteur leur chante la mélodie : où est-ce qu’il veut en venir avec cette rengaine ?  Il est temps de se trouver des métaphores à même d’être mieux comprises. Par exemple : ils disent “Deuk Bi Dou Dem” !  L’on objecte avec “Bok Jog-ci andë Dem”.

Manque-d’emploi : l’arbre qui cache la forêt ! Pour ne plus avoir à subir ce phénomène tragique, il faudrait commencer par challenger la sagacité des passeurs et autres malfrats qui tirent profit de l’émigration clandestine. Eux l’ont vu venir, ont ensuite anticipé et évalué les opportunités qui s’offraient à eux, ce qui leurs a permis d’en prendre le contrôle et s’enrichir en mettant à disposition les moyens logistiques. De nos jours, l’emploi manque dans la plupart des pays du monde mais tous ne payent pas ce lourd tribut lié à l’émigration. Pourquoi ? - Parce qu’ailleurs, aux sans-emploi, il a été vendu l’espoir d’en trouver sur place prochainement à défaut de les satisfaire dans l’immédiat. Ils transigent en toute confiance avec leurs autorités parce qu’il leur a été prouvé que leurs pays avancent dans la bonne direction. Comment ? - par l’existence chez eux d’un standard de vie qui reflète tous les paramètres et aspirations d’une société moderne en progrès. Cela est différent de là où l’on semble vivre dans une dissipation sans limites, dans une insalubrité et incivisme pérennes, obligé d’emprunter quotidiennement des véhicules de transport public indignes au déplacement du bétail. En somme, des pays où l’inflation des agressions dans le milieu y est désespérément insupportable. Comment l’estime de soi-même d’un jeune peut-elle grandir avec de telles meurtrissures ?  Vibrer d’amour pour son pays va de pair avec la fierté de faire partie d’une société qui fait preuve d’un génie dynamique et très compétitif. Cette tragédie dissimule d’autres maux que celui du manque d’emploi tout simplement. Pour nous en débarrasser définitivement, il nous faut plus qu’un sparadrap - plutôt une intervention chirurgicale, qui permette d’en tirer toutes les leçons et opérer des changements profonds.

 

 

 

 

7-L'après‑Cotonou: les négociateurs parviennent à un accord politique sur un nouvel accord de partenariat entre l'UE et les États d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique

Brussels, 3 décembre 2020/OEACP : Aujourd'hui, les négociateurs en chef de l'UE et de l'Organisation des États d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (OEACP), anciennement dénommé la Groupe des États de l'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP), sont parvenus à un accord politique sur le texte d'un nouvel accord de partenariat qui succédera à l'accord de Cotonou. L'accord, qui devra être approuvé, signé et ratifié par les parties, couvrira un grand nombre de domaines, allant du développement et de la croissance durables aux droits de l'homme, à la paix et à la sécurité, et il sera axé sur une mise en œuvre fondée sur les priorités régionales. Une fois entré en vigueur, l'accord servira de nouveau cadre juridique et guidera les relations politiques, économiques et en matière de coopération entre l'UE et les 79 membres de l'OEACP pour les vingt prochaines années.

L'UE et les membres de l'OEACP constituent une force internationale. Ensemble, ils représentent plus de 1,5 milliard de personnes et plus de la moitié des sièges aux Nations unies. Grâce au nouvel accord, les pays membres de l'UE et de l'OEACP seront mieux à même de répondre aux besoins émergents et aux défis mondiaux, tels que la pandémie de COVID-19, le changement climatique, la gouvernance des océans, les migrations, la paix et la sécurité.

Jutta Urpilainen, commissaire aux partenariats internationaux et négociatrice en chef de l'UE, a déclaré à cet égard: «L'accord conclu aujourd'hui constitue une étape vers la nouvelle ère qui s'ouvre pour l'UE et les États d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique. Les habitants de ces quatre régions du monde bénéficieront de cet accord ambitieux, qui nous permettra de mieux faire face aux nouvelles réalités et aux nouveaux défis en tant qu'acteurs mondiaux.» 

Robert Dussey, ministre togolais des affaires étrangères, de l'intégration africaine et des Togolais de l'extérieur, négociateur en chef de l'OEACP et président du groupe central de négociation ministériel, s'est exprimé comme suit: «L'accord politique conclu aujourd'hui, à l'issue de ces longues et intenses négociations, ouvre la voie à un partenariat moderne et plus engagé au niveau national, régional et international. À cette occasion, je tiens à adresser mes sincères félicitations à nos négociateurs en chef qui ont travaillé sans relâche pour parvenir à ce résultat

Prochaines étapes

Maintenant que les négociateurs en chef sont parvenus à un accord politique, le texte sera soumis aux procédures internes nécessaires avant d'être paraphé par ceux-ci, ce qui marquera la fin des négociations. La signature de l'accord interviendra à un stade ultérieur, en 2021. Pour pouvoir entrer en vigueur, l'accord doit être conclu ou ratifié par une sélection et un nombre minimaux de parties. La signature, l'application provisoire et la conclusion de l'accord seront soumises à l'approbation du Conseil, sur la base de propositions de la Commission.

Ces propositions seront transmises au Conseil au début de l'année 2021 conjointement avec le texte négocié, traduit dans toutes les langues de l'UE.

Le Conseil adoptera la décision de conclusion de l'accord seulement après approbation du Parlement européen, conformément à l'article 218, paragraphe 6, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE).

Bien qu'un accord politique ait été trouvé, il est proposé de proroger encore l'accord de Cotonou afin de disposer du temps nécessaire au déroulement de la procédure interne de l'UE susmentionnée. L'UE et l'OEACP ont accepté de proroger l'accord de Cotonou jusqu'au 30 novembre 2021, à moins que le nouvel accord n'entre en vigueur ou ne soit appliqué à titre provisoire avant cette date. Il s'agirait de la deuxième prorogation, étant donné qu'une première série de mesures transitoires a déjà prorogé l'accord de Cotonou, dont l'expiration était initialement prévue le 29 février 2020, jusqu'au 31 décembre 2020.

Contexte

Les négociations post-Cotonou ont débuté en septembre 2018 en marge de l'Assemblée générale des Nations unies à New York. L'objectif était de parvenir à un accord sur un nouveau traité devant succéder à l'accord de Cotonou.

Le nouvel accord de partenariat est constitué d'un «socle commun», qui expose les valeurs et les principes qui unissent nos pays et qui précise les domaines stratégiques prioritaires au sein desquels les deux parties ont l'intention de collaborer. Ces domaines sont les suivants: i) les droits de l'homme, la démocratie et la gouvernance, ii) la paix et la sécurité, iii) le développement humain et social, iv) la viabilité environnementale et le changement climatique, v) la croissance et le développement économiques durables et inclusifs, et vi) la migration et la mobilité. Le nouvel accord de partenariat associe ce socle commun à trois protocoles régionaux spécifiques axés sur l'action (Afrique, Caraïbes, Pacifique), l'accent étant mis sur les besoins de chaque région. Cela permettra d'adopter une approche régionale sans précédent. Une gouvernance spécifique propre aux protocoles régionaux sera appliquée pour gérer et piloter les relations avec l'UE et les différentes régions concernées, notamment par l'intermédiaire de commissions parlementaires conjointes. Il y aura également un cadre global commun UE-OEACP, avec une forte participation parlementaire.

Lors du sommet ACP qui s'est tenu en décembre 2019, le groupe des États ACP a adopté la version révisée de l'accord de Georgetown, qui a débouché sur un changement de nom. En avril 2020, le groupe des États ACP est devenu l'Organisation des États d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (OEACP).

 

8-AREVA et le retour du scandale de l’Uranium Gate au Niger : la société civile nigérienne se mobilise devant la justice française

Le Niger possède 8% des réserves mondiales d’uranium, un métal indispensable pour le fonctionnement des centrales nucléaires. Depuis l’indépendance du pays de la France en 1960, c’est l’entreprise française AREVA (devenue ORANO), par l’intermédiaire de ses filiales, qui exploite l’uranium nigérien.

Le 16 février 2017 éclatait le « scandale de l’Uranium Gate » qui a fait perdre au groupe français Areva 101 millions de dollars lors de la vente d’un stock d’uranium en novembre 2011. En passant par des intermédiaires russes et libanais, des rétrocommissions auraient été perçues par plusieurs acteurs, dont des nigériens. Bien que le siège d’AREVA ait été perquisitionné à Paris en novembre 2017, personne n’a encore été inquiété pour ces détournements. Après une longue enquête préliminaire du Parquet National Financier français, une information judiciaire a été ouverte en février 2020 par un juge d’instruction pour « corruption d’agent public étranger, corruption privée, association de malfaiteurs, abus de bien sociaux, abus de confiance et blanchiment en bande organisée de ces délits » concernant la vente d’uranium nigérien par la société AREVA. En raison de son statut et de son implication depuis le début dans la révélation de ses agissements susceptibles de revêtir des qualifications pénales, le 30 novembre 2020 le ROTAB*, soutenu par les mouvements Tournons La Page (TLP) et Publiez Ce Que Vous Payez (PCQVP), s’est constitué partie civile par voie d’intervention auprès de la juge d’instruction en charge de l’affaire au sein du Tribunal judiciaire de Paris.En 2018, la société AREVA a été renommée ORANO. « Changer de nom ne devrait pas dédouaner l’entreprise et ses complices des scandales du passé. Les personnes responsables des détournements doivent être amenés à s’expliquer et le cas échéant traduit en justice » conclut Ali Idrissa, Coordinateur du ROTAB au Niger.Depuis 2013, le Réseau des Organisation pour la Transparence et l’Analyse Budgétaire (ROTAB), dont l’objectif est de « contribuer à la lutte contre la corruption sous toutes ses formes », dénonce des irrégularités dans les agissements d’AREVA au Niger. Si le ROTAB dénonce la corruption qui sclérose la société nigérienne, il ne désapprouve pas l’exploitation de l’uranium, à la condition que celle-ci respecte les principes de transparence et soit moteur de développement pour la population locale. Le ROTAB a par exemple désapprouvé la suspension du projet de la mine Imouraren débuté en 2009, puis interrompu en 2014. Ce projet devait permettre au Niger de devenir le 3ème producteur mondial d’uranium et de créer de nombreux emplois pour les jeunes.

Niamey, le 3 décembre 2020