La longue marche du Nigeria repose sur l’autosuffisance en concentrés de tomate

Le gouvernement nigérian a affiché, depuis quelques années, sa volonté de s’affranchir des importations de concentrés de tomate et d’impulser le développement de l’industrie locale de transformation. Si des mesures ont été prises dans ce sens, elles n’ont pas véritablement permis un essor de la filière malgré son énorme potentiel. Le N°125 d’Ecofin Hebdo a fait le tour de la radioscopie d’une industrie qui cherche encore sa boussole.

Au Nigeria, le marché de la tomate et de ses produits dérivés est parmi l’un des plus importants en Afrique, avec une valeur de près de 2,5 milliards $. Le fruit constitue en effet un ingrédient important de la cuisine du pays. Il entre dans la composition de nombreux mets comme le riz wolof [plat prisé par les Nigérians, NDLR] ou la soupe de viande. La tomate est d’ailleurs à juste titre le fruit le plus consommé du pays avec 12 kg par an par habitant.

Avec la croissance de la population et de l’urbanisation, la demande a vite dépassé l’offre locale, fournissant un terreau favorable aux importations de concentrés de tomate à bas prix depuis la Chine et l’Italie.

Selon les estimations, le pays importe environ 150 000 tonnes de concentrés de tomate par an. Par ailleurs, selon un rapport du cabinet d’audit PricewaterhouseCoopers (PwC), la valeur des achats a atteint en moyenne 360 millions $ en 2017 contre 200 millions $ en 2013. Le pays est d’ailleurs le 3e importateur de concentrés de tomates d’Afrique et figure au 13e rang mondial. 

Des mesures largement insuffisantes 

Conformément à sa politique d’autosuffisance alimentaire, le gouvernement nigérian a affiché son intention de limiter les importations de concentrés de tomates, notamment de la Chine, dont la qualité était jugée mauvaise par l’Agence nationale pour l’administration et le contrôle des aliments (NAFDAC).

A l’exemple d’autres denrées comme le riz, le renforcement de la réglementation tarifaire et les incitations fiscales ont été privilégiés afin d’impulser une production locale. Après quelques discours volontaristes sans lendemain, l’action la plus concrète a été posée en mai 2017 avec le lancement d’une nouvelle feuille de route pour la filière. Ce programme a fait passer les droits de douane sur le concentré de tomate de 5 à 50 % et introduit un prélèvement de 1500 $ sur chaque tonne de marchandise entrant sur le territoire.

Cette disposition s’accompagne également d’une dispense fiscale pour les entreprises transformatrices et de l’introduction de droits nuls sur les équipements de serre, importés dans le cadre des investissements dans la filière tomate. D’un autre côté, l’exécutif a annoncé l’allocation d’une enveloppe de 250 milliards de nairas (environ 640 millions $) à travers la Banque centrale du Nigeria (CBN), qui sera libérée aux producteurs de tomates dans le cadre du programme Anchor Borrower Scheme, l’un des principaux canaux de financement du secteur agricole.

Si ces différentes décisions sont salutaires, force est de constater qu’elles n’ont pas permis de résoudre le problème structurel majeur de la filière, à savoir la pénurie chronique de tomates qui rend vains les appels du pied de l’exécutif au segment de transformation.  Cette insuffisance de matière première est liée à un faisceau de facteurs, dont la faiblesse des rendements, liée entre autres aux mauvaises pratiques agricoles et à l’accès insuffisant à des variétés à haut rendement, résistantes aux attaques parasitaires et adaptées à la transformation.

Alors que le pays est le second producteur de tomates du continent, derrière l’Egypte, et fournit 65 % de la production ouest-africaine, il est encore bien loin des standards internationaux en matière de productivité. D’après PwC, sur la période 2006-2016, la hausse de production de tomates, de 1,8 million de tonnes à 2,3 millions de tonnes, a surtout été liée à la hausse des superficies qui ont plus que doublé, passant de 265 000 hectares (ha) à près de 668 300 ha. Pendant ce temps, le rendement moyen n’a tourné qu’autour de 5,47 tonnes/ha soit 7 fois moins que la moyenne mondiale de 38,1 tonnes/ha.

Au-delà même des rendements, le second mal de la filière est la gestion post-récolte catastrophique. Selon les données, le pays a perdu 45 % de sa récolte en 2017 soit près de 700 000 tonnes de tomates. En cause, notamment le stockage inadéquat, le mauvais état des routes, la chaîne de froid peu développée ainsi que le fractionnement de la commercialisation des grossistes (la tomate étant essentiellement produite dans le nord est acheminée vers le sud) qui non seulement entraîne des pertes dans l’acheminement, mais contribue aussi à augmenter le prix des produits.

D’une manière générale, le problème de la pénurie en matières premières est devenu tellement chronique ces dernières années qu’il représente désormais le principal facteur limitant pour le développement des usines implantées sur le sol nigérian et dégrade les perspectives de durabilité de l’industrie de transformation.

Les péripéties de l’usine de transformation de Dangote

Au Nigeria, les déboires de l’usine du géant Aliko Dangote sont devenus l’un des symboles de la défaillance du marché. Le groupe a lancé, en mars 2016, la plus grande usine de transformation de tomates du continent, à un coût de 20 millions $. L’infrastructure qui s’étend sur 17 000 hectares est dotée d’une capacité de transformation journalière de 1200 tonnes de tomates et d’une capacité annuelle de 400 000 tonnes. Avec pour objectif de supplanter les importations chinoises de concentrés de tomates, tout semblait bien parti pour l’usine implantée à Kadawa dans l’Etat de Kano, le plus important producteur de tomates du pays.

Toutefois, rien ne s’est passé comme prévu. Deux mois plus tard, en mai 2016, l’usine a dû suspendre ces activités, en raison de la perturbation de la fourniture en tomates, liée à l’épidémie de « Tuta Absoluta » dans plusieurs de ses Etats fournisseurs. Les prix ont flambé. Le redémarrage des activités prévu pour février 2017 a été reporté en mars 2019. Si l’ouverture à cette date a été effective, la reprise n’a été cependant que de courte durée, dans la mesure où les activités sont encore suspendues, depuis septembre dernier, toujours en raison de la pénurie chronique.

Résultat des courses, plus de 4 ans après son lancement, l’usine n’a jamais réussi à atteindre son plein potentiel. Dans le meilleur des cas, elle n’utilise que 20 % de sa capacité, mettant en péril le retour sur investissement et entraînant des pertes.

D’après Abdulkareem Kaita, directeur général de Dangote Farms, qui gère l’usine, l’entreprise perd en moyenne 30 millions de nairas (82 000 $) chaque mois avec des employés inactifs.

Ces différents constats montrent clairement les limites du plaidoyer de l’exécutif nigérian en faveur de l’autosuffisance en concentrés de tomates. In fine, il en ressort que la stratégie du gouvernement est surtout cantonnée à la protection du marché intérieur et se base sur le postulat du cycle vertueux selon lequel le secteur privé tirera profit des incitations pour améliorer la compétitivité de l’agriculture. Mais la réalité est que, sans intervention globale dans la productivité et dans la production, l’amélioration des systèmes de gestion post-récolte ou encore des efforts dans la recherche de meilleures variétés, le développement de l’industrie locale de concentrés de tomates restera un vœu pieu. Et si en 2019, le gouvernement a annoncé une fin des importations, la question est aujourd’hui de savoir si cela a encore un impact sur les investisseurs ou les producteurs. 

Moctar FICOU / VivAfrik

Avec Ecofin  

ccueil » AFRIQUE : Trees for the Future forme 8 000 agriculteurs à la bonne gestion des sols

AFRIQUE : Trees for the Future forme 8 000 agriculteurs à la bonne gestion des sols

 

Par Inès Magoum - Publié le 8 mai 2020 / Modifié le 8 mai 2020

Au cours des quatre prochaines années, plus de 8 000 agriculteurs répartis entre divers pays d’Afrique subsaharienne bénéficieront d’une formation dans le cadre du programme « Des jardins forestiers » récemment lancé par Trees for the Future, une organisation qui aide les communautés du monde entier à planter des arbres grâce à la distribution de semences. Objectif : revitaliser durablement leurs terres.

Le programme « Des Jardins forestiers » de Trees for the Future, une organisation qui aide les communautés du monde entier à planter des arbres grâce à la distribution de semences, est novateur. À travers lui, les agriculteurs peuvent planter de milliers d’arbres. Ceux-ci serviront à protéger leur sol et à y ramener les nutriments. Ainsi, les agriculteurs des jardins forestiers bénéficieront d’une augmentation de leurs revenus et de leur sécurité alimentaire, un an à peine après l’implémentation du programme.

Pour acquérir toutes les techniques d’agroforesterie nécessaires, les agriculteurs seront formés durant 4 ans, par l’organisation Trees for the Future. Parmi les pays concernés figurent le Cameroun, le Sénégal, le Kenya, la Tanzanie et l’Ouganda, chacun d’entre eux regroupant 300 à 600 familles d’agriculteurs. Au total plus de 8 000 agriculteurs seront formés.

Le contenu de la formation

Sur le terrain, le personnel de Trees for the Future formera les participants au programme « Des jardins forestiers » dans tous les domaines, de la gestion des terres à l’économie de marché. Les agriculteurs apprendront entre autres à créer des jardins forestiers sur leurs propres terres. Ainsi, ils pourront améliorer la santé de leurs sols et la biodiversité, cultiver des cultures diverses et riches en nutriments, augmenter leurs revenus et s’adapter au changement climatique afin de rompre définitivement le cycle de la faim et de la pauvreté dans leurs pays respectifs. « Comme la plupart des agriculteurs du monde entier, ces agriculteurs pratiquent l’agriculture à sens unique depuis des générations, en utilisant l’intensification de la monoculture. Mais avec l’approche des jardins forestiers, les agriculteurs apprennent à diversifier les cultures, à restaurer les sols et à maximiser le plein potentiel de leurs terres », déclare Brandy Lellou, la directrice des programmes de Trees.

« Les agriculteurs voient régulièrement leur nutrition et leurs revenus commencer à s’améliorer au cours des deux premières années et, à la fin de la quatrième année, un jardin forestier de 0,4 hectare abrite généralement environ 2 500 arbres », ajoute-t-elle.

Le matériel de plantation a déjà été livré aux agriculteurs. Ils devraient démarrer les pépinières d’ici peu. « Nos équipes de formation ont mis au point de nouvelles méthodes créatives pour former les agriculteurs de manière virtuelle. Une fois que les restrictions dues à la pandémie du Covid-19 seront levées, nous prévoyons de reprendre la formation en personne et de passer en revue tout ce que les agriculteurs ont pu manquer », rassure Brandy Lellou.

Inès Magoum

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BURKINA FASO : Uduma et Vergnet Burkina lancent « Mains propres face au Covid-19 »

Dans le cadre de la lutte contre la pandémie du coronavirus au Burkina Faso, Uduma, filiale du groupe français Odial Solutions, et l’entreprise Vergnet Burkina, filiale du groupe français Vergnet Hydro, décident de lancer l’opération « Mains propres face au Covid-19 ». Celle-ci concerne 71 000 usagers des régions du Centre-Nord et des Hauts-Bassins du pays.

Déjà très handicapant en temps normal, le faible accès à l’eau potable prend une acuité nouvelle avec le Covid-19 au Burkina Faso. Se laver les mains à toute heure est un défi difficile à relever, alors que le pays fait désormais partir des plus touchés par la pandémie en Afrique de l’Ouest. Selon le tout dernier bilan des autorités burkinabés, la maladie a déjà fait 48 morts sur 688 personnes testées positives au coronavirus et, chaque jour, des voix s’élèvent pour réclamer davantage de soutien pour la survie des populations.

Afin de rompre la chaîne de transmission du virus dans ce pays enclavé du Sahel, où au moins 27 % de la population ne dispose d’aucun accès à l’eau potable, Uduma, filiale du groupe français Odial Solutions, spécialiste de la fourniture de services en zone isolée dans les pays en voie de développement et l’entreprise Vergnet Burkina, filiale du groupe français Vergnet Hydro spécialisée dans l’alimentation en eau des zones rurales et appartenant lui-même à Odial Solutions, ont lancé le 6 mai 2020 l’opération « Mains propres face au Covid-19 » au Burkina Faso. Elle vise à approvisionner 71 000 usagers dans deux régions du pays en eau potable pour l’assainissement. « Nous allons mettre un lave-mains à pédale et des savons à disposition des usagers de 80 bornes-fontaines Uduma dans les régions du Centre-Nord et des Hauts-Bassins sur nos fonds propres », explique Jean-Christophe Ki, le directeur général de la société burkinabé Vergnet Burkina, qui fournit le service Uduma au Burkina Faso.

Les sociétés Vergnet Burkina et Uduma vont financer l’intégralité de l’opération « Mains propres face au Covid-19 ». Selon les fournisseurs, celle-ci n’aura aucun impact sur le prix du service de l’eau initialement fixé en concertation avec les autorités nationales et locales. « Nous prévoyons aussi d’offrir un lave-mains à pédale à chacune des neuf communes sur lesquelles nous mènerons cette opération pilote, afin de les aider à passer cette terrible épreuve sanitaire », assure Lucie Kaboré, la responsable d’exploitation de Vergnet Burkina.

Selon le rapport « Progress on household drinking water, sanitation and hygiene 2000–2017 » (Joint Monitoring Programme, Unicef, OMS, 2019), 92 % des habitants des zones rurales du Burkina Faso ne disposent pas de l’essentiel pour se laver les mains chez eux. Ils n’ont ni eau ni savon.

Le matériel utilisé dans le cadre de l’opération « Mains propres face au Covid-19 » est 100 % made in Burkina Faso. Les lave-mains à pédale par exemple ont été fabriqués par l’entreprise EPGF à Ouagadougou.

Vergnet Burkina et Uduma espèrent pouvoir étendre cette opération à l’ensemble des 208 000 usagers d’Uduma présents au Burkina Faso, au Mali et en Côte d’Ivoire. « Nous avons plus que jamais besoin d’eau pour assurer les conditions sanitaires qui font barrières. Nous sommes bien sûr à l’écoute des experts, industriels, bailleurs et autres qui souhaitent apporter leur pierre à l’édifice », affirme Mikael Dupuis, le directeur général adjoint d’Uduma.

Inès Magoum

 

BÉNIN : Fludor valorise les déchets de cajou, préservant ainsi l’environnement

 

Par Boris Ngounou - Publié le 8 mai 2020 / Modifié le 8 mai 2020

L’entreprise Fludor-Bénin valorise les coques de noix de cajou en baume, un liquide dont les industries de la peinture et de l’aéronautique raffolent. Outre la valeur ajoutée qu’elle génère, cette activité permet en outre de réduire la pollution causée par la présence dans la nature, des coques de noix de cajou. Ces déchets sont nocifs pour les sols et pour l’atmosphère.

Le Bénin est le plus grand producteur africain de noix de cajou, avec plus de 100 000 tonnes générées en 2019. Sauf que jusqu’ici, seule l’amande, la partie comestible de la noix, était extraite et exportée principalement vers l’Inde. Les coques de noix quant à elles, n’avaient pas d’utilité. Elles étaient soit détruites, soit jetées dans la nature. Pourtant ces déchets de cajou renferment une huile acide, nocive pour les sols et pour l’atmosphère. Un problème de pollution environnemental auquel répond la nouvelle chaîne de production de Fludor-Bénin.

« Il y a 20 % de baume de cajou dans la coque de cajou, c’est quand même significatif. Les brûler à l’aire libre ou les enterrer est un acte très mauvais pour le sol, et pour l’atmosphère. Et s’il faut transformer les coques de cajou en baume, cela exige une technologie qui n’est pas très facile à maîtriser » a déclaré Roland Riboux, le PDG de Fludor. Il ajoute que son entreprise est la seule en Afrique de l’Ouest à créer cette valeur.

Une production journalière de 10 tonnes de baume de cajou

Fludor a débuté la production du baume de cajou en 2019. Elle s’approvisionne en coques auprès des autres entreprises transformatrices de noix de cajou basées au Bénin. « Actuellement, on produit dix tonnes d’huile par jour, pour ça on a besoin de 30 à 40 tonnes de coques. Notre objectif, c’est de prendre toutes les coques du Bénin. On exporte en Inde, au Japon, en Chine, là où les industries qui utilisent le baume de cajou se développent » a déclaré Vinod Kumar, ingénieur à Fludor-Bénin.

En effet, la résine ou liquide brun contenu dans la coque de la noix de cajou sert parfois à la fabrication d’encres, de vernis de protection contre les insectes ravageurs ou d’imperméabilisants, d’insecticides ou encore d’éléments de friction de véhicules pour les freins et les embrayages. Le baume de cajou est d’une importante capitale dans l’industrie de la peinture notamment, entrant dans la composition des peintures anti rouille ou lustrées. Il est également utilisé dans l’aéronautique, comme hydrocarbure en aviation.

Située au sud du Bénin, à deux heures de route de Cotonou la capitale de ce pays d’Afrique de l’Ouest, Fludor-Bénin est une société anonyme ayant pour promoteur le Groupe TGI installé en Irlande et opérant aussi bien en Afrique de l’Ouest qu’en Europe. Son investissement au Bénin s’élève à plus de 13 millions d’euros, un montant auquel ont contribué la Banque africaine de Développement (BAD), la Banque ouest-africaines de Développement (BOAD) et un consortium de banques locales. En 2013 l’entreprise affichait un chiffre d’affaires de 15,7 milliards de francs CFA, soit près de 24 millions d’euros pour un effectif de 231 salariés.

Boris Ngounou